Le périnée, pilier de la santé féminine : l’éclairage de Marina Cremel

Le périnée reste souvent un grand oublié dans la santé féminine. Pourtant, il joue un rôle essentiel au quotidien, notamment pendant la grossesse et le post-partum. Pour mieux comprendre ce groupe musculaire indispensable, nous avons rencontré Marina Cremel, kinésithérapeute spécialisée en pelvi-périnéologie, qui exerce à Paris 11e. Dans cet entretien, elle nous explique simplement comment fonctionne le périnée, pourquoi il se fragilise, et surtout comment en prendre soin tout au long de la vie.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est le périnée ? On entend beaucoup de choses : certaines personnes pensent que c’est un muscle, d’autres parlent de hamac ou d’un ensemble de muscles, etc. Comment peut-on le définir de manière simple ?

Le périnée est un groupe musculaire. Ce n’est pas un seul muscle, mais plusieurs muscles qui forment une entité. C’est pour ça qu’on parle « du périnée », mais il est composé de plusieurs muscles répartis sur plusieurs couches (profonde, moyenne, superficielle).

On parle parfois de hamac ou de plancher pelvien qui tapisse le fond du bassin. Il faut vraiment imaginer plusieurs muscles « soudés » entre eux et qu’on ne peut pas réellement dissocier. Ils ferment la partie inférieure du bassin pour soutenir les organes du petit bassin chez la femme (vessie, utérus, rectum), mais aussi pour assurer la continence urinaire, des gaz, et des selles. Ils jouent également un rôle dans la posture, la sexualité, la grossesse et l’accouchement.

C’est vraiment un groupe musculaire extrêmement important pour la santé féminine.

C’est un ensemble de muscles qui constitue un véritable socle au niveau du bassin.

Si on a un périnée un peu fragile, on peut ressentir une gêne au quotidien, comme des fuites urinaires, des urgences mictionnelles ou une pesanteur pelvienne. C’est surtout un groupe musculaire qui va nous garantir la continence urinaire et fécale tout au long de notre vie. Le périnée est très sollicité, par exemple avec le sport, les grossesses, les accouchements répétés, mais aussi à la ménopause qui constitue un petit tournant pouvant amener des problématiques spécifiques. Par conséquent, il faut en prendre soin dès le début et tout au long de la vie.

Si on s’intéresse spécifiquement au moment de la maternité dans la vie d’une femme, dans quelle mesure ce groupe musculaire va-t-il être sollicité ? Pourquoi peut-on parfois fragiliser le périnée ? Comment expliquer ce mécanisme ?

Premièrement, l’utérus gravide est posé juste au-dessus. L’utérus va progressivement prendre plus de place et peser plus lourd. Il y a aussi tout l’impact hormonal pendant la grossesse, qui fait que les tissus sont globalement plus souples et plus lâches. Le périnée est donc un peu plus « relâché » et il est soumis à plus de contraintes, surtout en fin de grossesse.

L’aspect postural de la femme change aussi : la cambrure augmente. Plus la femme est cambrée, plus son ventre est en avant, et plus le périnée reçoit des pressions qui peuvent être délétères.

L’accouchement par voie basse fragilise également le périnée, avec une distension des fibres musculaires qui est assez exceptionnelle. Les muscles les plus superficiels du périnée vont se distendre de 2 à 3 fois leur taille initiale. Il y a vraiment un étirement majeur pendant l’accouchement, avec un risque de déchirure musculaire.

Les femmes qui accouchent par césarienne ne sont-elles pas concernées par la fragilité périnéale ?

On considère que la grossesse elle-même est sollicitante pour le périnée et potentiellement délétère. Cependant, la femme césarisée ne subit pas cet étirement musculaire important induit par le passage du bébé.

Malgré tout, chaque histoire et chaque femme sont différentes. On ne peut pas généraliser en disant que les femmes qui ont une césarienne n’ont pas besoin de prise en charge dans leur post-partum. Il est donc recommandé de faire un bilan auprès d’un thérapeute spécialisé, même dans le cas d’une césarienne, afin d’ajuster la prise en charge.

L’allaitement est-il aussi un facteur de fragilisation du périnée ?

L’allaitement va prolonger la phase d’imprégnation hormonale dans le post-partum. On ne peut pas dire que l’allaitement fragilise le périnée, car dès que la femme a son retour de couches, le taux d’hormones se normalise progressivement. On peut remarquer une légère faiblesse périnéale pendant l’allaitement, mais ce n’est que transitoire, donc pas d’inquiétude.

Est-ce qu’il y a des choses que l’on peut recommander pour préparer son périnée à la grossesse, à l’accouchement et, de fait, au post-partum ?

C’est très important d’intégrer la notion de périnée pendant la grossesse : bien comprendre où il se situe, son rôle pendant la grossesse et l’accouchement.

Pour commencer, je passe du temps à travailler la prise de conscience du muscle périnéal pendant la grossesse, à bien le localiser et le dissocier des muscles voisins (fessiers, abdominaux…).

Ce travail manuel nous permet également de faire un bilan périnéal, d’évaluer la tonicité, les éventuelles tensions ou douleurs. En fonction de ce bilan, je peux recommander la pratique du massage périnéal anténatal visant la détente du périnée afin de bien le préparer à l’accouchement. Ce massage s’effectue au cabinet, mais aussi sous forme d’auto-massage à la maison.

Le relâchement permet donc de prévenir la déchirure ou l’épisiotomie, c’est ça ?

Oui, c’est vraiment un protocole que l’on met en place à partir de la 34e ou 35e SA. La patiente pratique cette manœuvre d’auto-massage très régulièrement, environ 5 minutes par jour.

Les études montrent les bienfaits de cette technique sur les lésions périnéales (épisiotomie et déchirure). On remarque également moins de douleurs périnéales dans le post-partum précoce.

Cela peut être très intéressant, surtout chez une femme primipare ou une femme à tendance hypertonique.

Quand peut-on commencer à rééduquer son périnée après l’accouchement ?

Normalement, on attend six à huit semaines après l’accouchement, le temps que les tissus cicatrisent et que les lochies s’arrêtent. Certaines patientes peuvent avoir des déchirures importantes au niveau du sphincter anal ou une épisiotomie très douloureuse. Dans ces cas particuliers, le médecin ou la sage-femme peut recommander une prise en charge plus précoce.

Ce sera donc à la patiente elle-même de masser la cicatrice ou à la sage-femme ?

Après la période de cicatrisation, la patiente peut demander conseil à son médecin, sa sage-femme ou son kinésithérapeute spécialisé. Si elle ressent une douleur, elle peut effectivement commencer à masser doucement la cicatrice pour essayer d’assouplir le tissu. Plus la prise en charge est précoce, mieux c’est. Cela permet aussi à la femme de se « réconcilier » avec cette partie de son corps qui a pu être malmenée pendant l’accouchement.

En quoi consiste une séance de rééducation périnéale ? Un grand mystère plane sur le cabinet de rééducation périnéale, il y a un manque d’information à ce sujet…

Il est important de commencer par un bilan complet afin de situer les éventuelles gênes des patientes et d’évaluer le périnée, les cicatrices éventuelles, et l’abdomen.

On commence par poser beaucoup de questions pour comprendre l’historique de la patiente. On évoque bien entendu les antécédents obstétricaux, la grossesse, l’accouchement et le post-partum. On recherche la présence de cicatrices, de douleurs, de fuites urinaires ou fécales, ou de problématiques liées à la reprise de la sexualité.

Puis il y a un examen clinique, d’abord de l’abdomen, puis du périnée si c’est possible à ce moment-là et avec l’accord de la patiente. On s’adapte au mieux à chaque histoire.

Ensuite, on met en place des exercices. Il existe plusieurs techniques complémentaires : techniques manuelles avec les doigts du praticien, techniques de rééducation avec sonde vaginale, électrothérapie si besoin, mais surtout biofeedback qui est un travail actif et ludique où la patiente visualise l’activité périnéale sur un écran.

L’idée est de commencer plutôt allongée et d’essayer de travailler debout en fonctionnalité le plus rapidement possible. On travaille à l’effort (toux, saut, course…) pour redonner le côté fonctionnel et garantir la reprise du sport, des activités professionnelles et quotidiennes.

En résumé, on s’adapte à chaque patiente. Il n’y a pas une seule rééducation, mais plusieurs façons de rééduquer en fonction de la femme que l’on a en face de nous, pour l’accompagner au mieux.

Et la rééducation répare presque tout ? Le terme « descente d’organe » fait vraiment peur, est-ce que la kinésithérapie permet d’y pallier ?

La rééducation vise à améliorer le quotidien des patientes, mais elle sert aussi à prévenir au mieux les problèmes qui pourraient survenir plus tard.

Concernant le prolapsus, il faut savoir qu’il y a plusieurs stades de descente d’organes. Dans le post-partum, les femmes peuvent ressentir des sensations de pesanteur pelvienne gênantes. Ce symptôme doit motiver une consultation. La kinésithérapie vise à éviter la descente d’organes ou à la contenir si elle existe.

Dans le post-partum, avec l’imprégnation hormonale, les femmes peuvent ressentir une pesanteur pelvienne, mais la rééducation doit pouvoir la soulager. Et surtout, pas de panique : le corps est en transition et peut mettre du temps à se remettre d’un accouchement.

Par prévention, on donne aussi de nombreux conseils d’hygiène de vie pour éviter les comportements aggravants, comme pousser pour aller à la selle, porter des charges trop lourdes, ou pratiquer un sport avec trop d’impact.

Au niveau de la reprise de la vie sexuelle, avez-vous des conseils à donner aux femmes sur ce sujet qui concerne le périnée et les douleurs que cela peut engendrer ? Après l’accouchement, il y a souvent une injonction à retrouver une vie sexuelle rapidement, alors que le corps est déjà mis à rude épreuve.

Ici, on essaie de laisser la porte ouverte au questionnement autour de la sexualité. Tout le monde n’est pas forcément à l’aise pour en parler, mais c’est important que les femmes se sentent écoutées pendant la rééducation périnéale. C’est finalement un bon moment pour oser poser ses questions face à la reprise de la vie sexuelle, souvent source de stress.

Pour les conseils, il faut d’abord s’écouter. Je comprends que ce ne soit pas la priorité quand on vient d’avoir un bébé, qu’on est en plein allaitement et que le bébé dort juste à côté du lit. Chacune fait comme elle veut, mais il ne faut pas se forcer, c’est mon premier conseil.

Je conseille aussi d’utiliser un lubrifiant neutre et le plus naturel possible, car après un accouchement, il peut y avoir une sécheresse de la muqueuse vaginale, surtout en cas d’allaitement (c’est hormonal).

Je conseille également de ne pas centrer la sexualité sur la pénétration dans un premier temps, puis de reprendre avec des positions où la femme peut gérer la profondeur de la pénétration, par exemple être au-dessus de son partenaire. Il faut vraiment y aller doucement, et si tout se passe bien, elles reprendront confiance. Ce sont surtout les premiers rapports qui sont stressants. Pour celles qui ont des douleurs cicatricielles, on peut conseiller un massage du périnée juste avant le rapport pour faciliter la reprise.

Chaque femme doit s’écouter et reprendre la sexualité qui lui convient, au moment qui lui convient.

Au niveau de la reprise de la vie sportive, là aussi il y a cette injonction à retrouver son corps d’avant rapidement. Avez-vous des conseils ou des constats à partager ?

On commence encore une fois par un bilan, car chaque femme est différente et il n’y a pas de réponse type.

La recommandation est d’attendre d’avoir fait sa rééducation périnéale et abdominale avant de reprendre une activité physique. Ensuite, on évalue le périnée debout en faisant quelques efforts, et en fonction, on conseille la reprise du sport ou non.

La plupart des patientes sont pressées de reprendre une activité physique. Certaines commencent un sport pendant leur post-partum précoce.

Mon conseil est d’écouter son corps, de reprendre une activité pas trop intense au début, et d’observer si l’on ressent une gêne. On peut conseiller au début le yoga post-natal, la natation…

On cherche à éviter les impacts trop intenses au niveau du périnée dans un premier temps.

Si tout se passe bien lors de la reprise douce, on peut augmenter progressivement la fréquence et la durée de l’effort. Ensuite, on intègre doucement un effort plus intense, en fonction du ressenti.

Il faut rester attentive aux signaux que le corps peut envoyer si l’effort est trop intense. Si la patiente ressent une gêne (fuite urinaire, pesanteur pelvienne), il faut diminuer soit la durée, soit la fréquence, soit l’intensité de l’effort.

Certaines femmes se sentent tellement libérées de pouvoir reprendre le sport qu’elles y vont à fond, mais il faut rester vigilante. Il ne faut pas être trop pressée. On se remet doucement de la grossesse et de l’accouchement, et chacune a son rythme. Il faut s’écouter.

Est-ce que vous avez un message à faire passer, un conseil, ou un sujet que l’on n’a pas encore abordé concernant la santé périnéale ?

  • Faire un bilan périnéal même si on n’en a pas envie, ou que l’on ne ressent pas de gêne après son accouchement.

  • Trouver un thérapeute (sage-femme ou kinésithérapeute spécialisé) bien formé et à l’écoute.

  • Bien connaître son périnée et en prendre soin tout au long de sa vie.

  • Consulter si l’on ressent une gêne urinaire, fécale ou dans la sphère sexuelle. Oser en parler à son médecin ou à son thérapeute. Il n’y a pas de tabous et on trouve toujours des solutions.

Vous avez des questions ?

Contactez notre équipe à l’adresse suivante : hello@talm.co.
Vous pouvez prendre rendez-vous avec Marina Cremel, dans son cabinet, en la contactant par email : marinacremel@gmail.com

 

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