Devenir maman d’un enfant porteur de trisomie 21 : l’histoire d’Alice Drisch et M21
Alice est une femme de cœur et d’engagement, une entrepreneure passionnée, une maman épanouie et une source d’inspiration pour de nombreuses familles. Maman d’Isaac, porteur de trisomie 21, et enceinte de son deuxième enfant, elle a fondé l’association M21 pour accompagner et soutenir les parents confrontés à ce diagnostic, en leur offrant écoute et bienveillance.
À travers son parcours, Alice partage un témoignage sincère et émouvant sur la maternité, l’acceptation du handicap et la force de l’amour parental. Elle nous raconte comment la naissance d’Isaac a bouleversé sa vie, l’a poussée à déconstruire les préjugés et à créer une association pour soutenir d’autres familles. Un récit puissant qui redonne espoir et éclaire le chemin des parents qui traversent une maternité différente.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Alice, mariée à mon merveilleux Vincent, maman d’Isaac et bientôt d’un deuxième petit baby love. Fondatrice de l’association M21, j’adore créer, entreprendre, agir et prendre soin des autres. Mon travail me passionne autant que mon rôle de maman d’Isaac, mon petit gourmand en chromosomes, qui, par sa différence, a transformé ma vie et mon rapport à la vie.
Quel a été votre parcours de vie ?
Je suis la benjamine d’une fratrie de six, entourée de nombreux hommes, ce qui a forgé mon caractère et sans doute mon féminisme. J’ai rencontré Vincent à 20 ans, et c’est sans aucun doute la plus belle rencontre de ma vie. J’ai la chance d’avoir épousé un homme féministe, qui m’aide à m’épanouir en tant que femme, me soutient dans l’éducation de nos enfants et le partage de la charge mentale, m’encourage à travailler et me laisse du temps pour moi (et en plus, il cuisine !).
Si vous deviez définir les trois valeurs essentielles qui vous guident ?
Amour, confiance et paix.
Quels sont les rituels ou les pratiques qui vous aident à vous ressourcer au quotidien ?
Je suis chrétienne, et la prière est donc mon rituel du matin. Chaque jour, de 6h30 à 7h, je prends une demi-heure pour moi, avec une bougie et de la musique douce, soit en silence, soit en déposant ce que j’ai sur le cœur. Je crois que commencer sa journée par la prière, la méditation ou le yoga apporte la même sérénité : un véritable apaisement pour l’âme, idéal pour bien débuter la journée.
En tant que femme et mère, quelles sont les choses qui vous semblent primordiales à enseigner à vos enfants ?
La confiance en soi, l’amour de soi et le respect de soi sont essentiels avant de pouvoir aimer et respecter l’autre. Je suis convaincue que l’on ne peut véritablement aimer quelqu’un qu’en étant d’abord en paix avec soi-même. En apprenant à s’accepter et à s’aimer, on ouvre ensuite la voie au respect et à l’amour des autres.
Comment s’est passée votre rencontre avec Isaac ?
Ce fut un moment magique, après 17 heures de travail. Lorsque j’ai tenu Isaac dans mes bras pour la première fois, je n’en revenais pas, c’était extraordinaire. Puis, deux heures plus tard, l’annonce de son diagnostic est venue apporter un gros orage dans notre ciel bleu. Mais après la tempête, le soleil revient toujours. Quelques jours plus tard, en entrant dans l’acceptation, nous avons retrouvé notre ciel bleu et ainsi pu réellement commencer notre vie de parents avec lui.
“Le handicap est un voyage : parfois difficile, souvent merveilleux, toujours unique.”
Quel message aimeriez-vous transmettre aux mamans d’enfants porteurs d’un handicap ?
On a souvent tendance à projeter des idées négatives sur la vie avec un enfant porteur de handicap, par méconnaissance. Pourtant, le handicap est un voyage, avec ses jours de pluie, ses moments de fatigue et ses nuits sans sommeil, mais aussi avec ses découvertes, l’émerveillement, ses paysages somptueux, ses bons repas, ses joies et ses fous rires. Faites confiance à votre propre voyage, car votre enfant n’a besoin de personne d’autre, si ce n’est de vivre cette aventure avec vous. Chaque voyage est unique, mais il vaut toujours la peine d’être vécu pleinement.
Vous avez créé M21, une association pour venir en aide, être à l’écoute de toutes les familles, tous les couples, toutes les femmes qui traversent un diagnostic de trisomie 21 en cours de grossesse ou à la naissance.
Où avez-vous puisé cette force d’entreprendre ?
Je pense que cette énergie a toujours été en moi, car avant de créer M21, j'avais déjà lancé un autre projet. C’est une véritable force de vie qui ne me quitte jamais, et j’ai toujours une centaine de projets en tête ! Demandez à Vincent, je le fatigue souvent. J’ai un petit carnet dans lequel j’écris toutes mes idées, mes rêves et les projets que je souhaite réaliser. Pour M21, j’ai ressenti une impulsion de vie énorme, une envie profonde de créer pour cette cause, d’aider, de prendre soin et d’être présente pour toutes ces femmes et ces couples qui traversent ce diagnostic dans une immense solitude.
"Quand on aide une maman à déposer ses peurs et ses préjugés, elle peut alors créer une relation magnifique avec son enfant différent."
Quelle est la plus grande satisfaction que vous tirez de ce projet ?
Quand on aide une maman à la naissance de son bébé porteur de trisomie 21, et qu’en l’aidant à déposer ses peurs, ses préjugés et ses larmes, elle parvient ensuite à créer une relation magnifique avec son enfant différent, c’est tout simplement merveilleux ! Ou lorsqu’un médecin, après une de nos conférences de sensibilisation, nous dit : "Vous avez changé à jamais ma façon de travailler avec des enfants porteurs de handicap", ou qu’un établissement scolaire nous fait savoir : "Depuis votre intervention, il y a moins de harcèlement", c’est une immense fierté !
Qu’est-ce qu’Isaac vous a appris sur vous-même ?
Il m’a appris tellement de choses ! Il m’a révélé des compétences insoupçonnées ! Depuis que je suis maman, je réalise des choses sur moi-même que je n’aurais jamais imaginées avant. Il me donne énormément de confiance en moi, il me conduit dans mes limites, ce qui m’aide chaque jour à mieux me connaître. C’est un véritable chemin d’humilité d’aller vers soi-même, mais c’est très libérateur.
Y a-t-il une anecdote qui illustre la force de votre lien avec lui ?
J'avoue qu'en général, c'est moi qui reçois les premiers gros câlins et bisous du matin. Chaque soir, nous avons un rituel rien qu'à nous, que j'ai instauré quand il était tout petit : on met des étoiles au plafond de sa chambre. Isaac me parle à sa manière, avec ses mots, souvent incompréhensibles pour l'instant, mais il me raconte beaucoup de choses avant de s'endormir. C'est mon bonheur, et je sens que cela lui fait beaucoup de bien !
Quelles petites victoires mériteraient d’être davantage mises en lumière sur les enfants porteurs de la trisomie 21 ?
Leur capacité, leur force, leur persévérance, leur détermination. S’ils sont aimés, valorisés, bien entourés et encouragés, vous ne mesurez pas à quel point ils sont capables de décrocher la lune. Et cela commence d’abord à la maison, puis dès leur entrée à l’école, avec le soutien des équipes éducatives !
Quelle est l’idée reçue sur la trisomie 21 que vous aimeriez déconstruire ?
Ils ont été cachés pendant 20 siècles, placés dans des centres éloignés des villes, et leur espérance de vie était de 20 ans. Aujourd’hui, je souhaite qu’on les voie davantage, qu’on les croise partout, qu’ils aient accès aux métiers de leur choix, en fonction de leurs talents, et qu’ils vivent au cœur de nos villes, parmi nous, de manière tout à fait normale.
Avez-vous des figures inspirantes, des histoires qui vous ont aidée dans votre parcours ?
Michelle Obama ! Sans rire, c’est une femme que je trouve très inspirante, notamment en raison de son histoire et des défis qu’elle a surmontés en raison de sa couleur de peau.
Mais il y a aussi Marie-Catherine, qui n'est pas connue, mais qui a adopté deux enfants porteurs de la trisomie 21. Elle m’a beaucoup soutenue lorsque j’ai appris pour Isaac. Aujourd'hui, je la vois toujours soulever des montagnes pour ses enfants, qui ont maintenant 30 ans. Il reste encore tellement de combats à mener pour les adultes porteurs de trisomie 21 (je n’y suis pas encore), mais son courage, sa force, sa détermination et sa joie de vivre dans tout ce qu’elle vit m’inspirent beaucoup.
Quels sont vos rêves et vos espoirs pour Isaac ?
Je souhaite qu’il soit heureux, qu’il puisse se marier, ou du moins qu’il trouve l’amour et soit épanoui en couple. Et surtout, qu’il s’épanouisse dans son travail, car je suis convaincue que se lever chaque matin avec l’envie d’aller travailler est la clé du bonheur. C’est ce que je lui souhaite de tout cœur.
Et aux mamans qui vous liront et qui traversent une maternité différente, que leur direz-vous ?
Un jour à la fois ! Ne vous projetez pas trop loin, car si vous vivez dans la peur de l’avenir, vous risquez de passer à côté du bonheur du présent. Avec nos enfants différents, chaque jour est l’occasion de vivre de petites victoires, de mini miracles qui, bien que souvent perçus comme insignifiants, sont bien là. Alors, concentrez votre énergie sur ces moments, et non sur les peurs. Chaque jour vous offre des merveilles à découvrir.