Enceinte et engagée par Chloé
Je m’appelle Chloé Cohen, j’ai 32 ans et je vis à Paris. Je suis journaliste depuis 2015. En septembre 2018, alors que j’étais encore correspondante à New York, j’ai créé Nouveau Modèle, un podcast sur la mode responsable et engagée. Dans ce podcast, j’invite des femmes, des entrepreneuses, des activistes, des mannequins, à venir parler de leurs engagements pour améliorer l’industrie textile. On parle de tous les problèmes sociaux et environnementaux de cette industrie, mais aussi et surtout des solutions. Je trouve que c’est important de rester positif pour encourager le changement.
Aujourd’hui je diffuse la 4ème saison, j’ai enregistré environ 150 épisodes. En parallèle, j’essaie de développer une newsletter, Une Mode Meilleure, pour aller un peu plus en profondeur et m’attarder sur des sujets plus précis. Je la voulais hebdomadaire, elle ne l’est pas forcément, mais on fait comme on peut !
Aujourd’hui, Nouveau Modèle est mon activité principale mais j’écris également des articles sur ces thématiques dans la presse, pour Marie-Claire par exemple.
La maternité
Je débute mon 6ème mois de grossesse. Au départ, je ne me voyais pas forcément me marier ou avoir des enfants. Je n’y pensais pas, j’étais plutôt carriériste. Je voulais vraiment m’épanouir dans mon travail, c'était mon objectif numéro 1. Et aujourd’hui, je pense avoir réussi cet objectif.
Alors avec Régis, mon mari, on a commencé à parler de tous ces sujets. On s’est mariés parce que c’était important pour nous, c’était un moment festif, au-delà de la symbolique. On adorait le fait de pouvoir passer un moment avec nos amis, notre famille et de fêter l’amour.
Après, le sujet enfant est arrivé. Lui était prêt depuis très longtemps. Moi, j’ai mis un peu plus de temps, j’avais peur que ça chamboule ma vie que j’aime tant. Mais petit à petit, l’idée a fait son chemin. Du jour au lendemain, je lui ai dit “ça y est, je suis prête”. Je commençais à regarder les mamans dans la rue, les poussettes… C’est là où je me suis dit que c’était le moment. J’en avais vraiment envie.
J’ai arrêté la pilule un an avant le mariage parce que j’en avais marre de prendre des hormones, j’avais envie que mon corps retrouve un cycle classique. Ça ne s’est pas exactement passé comme je l’avais anticipé. J’ai eu des règles très irrégulières. En allant voir ma gynécologue, elle m’a diagnostiqué le syndrome des ovaires polykystiques. Je ne m’y attendais pas car sous la pilule tout est caché, on a de faux cycles. Elle m’a dit que si je voulais des enfants ça risquait d’être un peu compliqué. Je pouvais avoir mes règles tous les cinq mois par exemple. Ovuler tous les cinq mois, c’est un peu complexe pour prévoir d’avoir des enfants.
J’avais pris rendez-vous avec elle en janvier pour commencer un traitement, et finalement je suis tombée enceinte en décembre. On a eu tellement de chance.
On n’était pas encore stressés, on commençait à peine. On s’était préparés à ce que ça prenne beaucoup de temps, et finalement je suis tombée enceinte très vite. Forcément on était très heureux.
La grossesse et mes engagements pour l’environnement
C’est très compliqué. C’est un moment où notre corps change. Aujourd’hui, plus aucun de mes pantalons, et même vêtements, ne me va. Il a donc fallu que je trouve des alternatives pour continuer à m’habiller tout en gardant mon goût pour les vêtements et la mode.
Mon alternative, c’est de me dire “si j’achète quelque chose, c’est quelque chose que je vais pouvoir remettre après”. C’est vraiment comme ça que j’aborde les vêtements par rapport à ma grossesse. Je me tourne donc vers des marques qui ne proposent que des vêtements que je pourrai toujours porter en post-partum.
Très honnêtement, je pensais que ce serait beaucoup plus simple, que je pourrais mettre mes pantalons avec un petit élastique, porter mes robes… En fait, on se rend compte que rien n’est adapté au niveau des coutures, des formes. On n’est pas à l’aise, on se sent complètement étriqué. Il faut appréhender ce nouveau corps alors on a quand même envie de se sentir bien dans ses vêtements. C’est là qu’on prend conscience de l’importance du vêtement et à quel point c’est une armure face à tout ce qu’il se passe. Si tu te sens bien dans tes vêtements, tu te sens bien dans ta peau, dans ta grossesse. C’est super important. Je n’avais pas pris conscience de tout ça. Aujourd’hui c’est le cas, et je suis contente d’avoir trouvé des alternatives,
Je vois aussi différemment les marques qui proposent des vêtements maternité. Avant, je les voyais un peu comme des “gadgets”. Aujourd’hui, je réalise qu’elles sont indispensables, il en faudrait d’ailleurs beaucoup plus. Il faudrait plus de marques engagées comme Joli Bump qui fait un travail extraordinaire. Il y a également des marques qui proposent des vêtements avec des élastiques ou extensibles (stretch) par exemple. Mais des marques de vêtements maternité engagées, avec une vraie éthique et des vêtements que tu peux remettre après, c’est difficile à trouver.
On peut trouver des vêtements maternité en fast fashion, mais je n’ai pas envie de renier toutes mes valeurs pour cette période-là. Elle est importante mais reste courte malgré tout.
Le sport et la maternité
En France, je trouve que l’on est très en retard sur le sport et la maternité. C’est un énorme sujet selon moi. Ma gynécologue ne me disait rien sur le sport à part sur ceux que je n’avais plus le droit de faire. J’ai d’ailleurs arrêté de la voir car elle me stressait, elle ne m’expliquait rien.
J’ai beaucoup de chance de pouvoir continuer à faire du sport, évidemment en adaptant ma pratique. J’ai continué à courir jusqu’à la fin de mon 5ème mois, aujourd’hui je sens que ça tire un peu trop sur les lombaires, mais je fais de la boxe, du pilates, je vais remplacer la course par du cycling, avec une intensité adaptée évidemment. J’ai de la chance d’avoir des coachs qui sont formés pour prendre en compte le sport pendant la grossesse.
Je trouve qu’on ne parle pas assez du travail des abdos par exemple ou de comment vérifier que l’on fait bien les exercices. On a toutes les clés en main, il suffit juste de nous expliquer plutôt que de nous interdire. On ferait les choix en connaissance de cause. On médicalise beaucoup, on nous interdit beaucoup de choses, sans jamais rien nous expliquer. On est de grandes personnes, si on a envie de prendre un risque on le prend. C’est mon corps, mon bébé. Je trouve qu’il y a encore un énorme travail à faire sur ce sujet.
Mes parents sont médecins, ils m’envoient souvent des études sur ce sujet. Et je me rends compte à quel point c’est hyper bon à la fois pour la maman et le bébé ! Ça développe énormément de points positifs pour l’enfant.
Je fais 4 à 5 séances par semaine. Avant je faisais presque exclusivement du cardio, aujourd’hui, j’alterne avec des séances pour renforcer les abdos profonds qui vont être utiles pour l’accouchement et pour porter le bébé. Et pour ça je recommande notamment les cours de Julie Pujols.
J’utilise le sport à la fois pour me muscler en profondeur mais aussi pour travailler mon souffle, notamment parce que j’aimerais accoucher sans péridurale. Mais je ne mets pas de pression, je me prépare pour faire sans péridurale et je verrai le jour de l’accouchement comment mon corps réagit.
L’entreprenariat et la maternité
Je suis très contente d’avoir un congé maternité et de pouvoir prendre ce temps pour moi, pour le bébé. En fait, on ne prend jamais trop de pauses quand on est entrepreneure, il faut souvent qu’on y soit obligé. J’accueille donc cette “obligation de pause” comme quelque chose de très positif.
Pour l’instant, j’organise mes journées comme avant, je n’ai pas changé beaucoup de choses. J’ai la chance d’être indépendante. Certes, je travaille beaucoup, hier j’ai terminé ma journée à 20h30. Mais j’ai pu faire une heure de boxe le midi. Je continue à jongler avec mon emploi du temps comme avant. Pour l’instant, je n’ai pas trop adapté, je pense que ça va venir progressivement.
Le féminisme au sein du couple
Ce sont des sujets que l’on aborde très souvent avec Régis depuis pas mal de temps. J’ai vu son cheminement. Maintenant, il analyse tout différemment. Il a énormément changé sur l'écologie et le féminisme. Il a une vision beaucoup plus féministe.
Je ne suis pas inquiète sur la place qu’il va prendre ou comment on va élever ce bébé. Pour l’instant, je suis assez sereine. Je me doute qu’il y aura des ajustements à faire comme pour n’importe quel couple et n’importe quelle situation. Mais pour l’instant il trouve sa place.
Les ouvrages que je recommande
Sur la maternité, je conseille les BD “La Naissance : Découvrez vos Super Pouvoirs” de Lucile Gomez. Elles sont incroyables, géniales. Il est question de physiologie, de pathologie, de comment aborder l’accouchement… J'ai appris énormément de choses sur le rôle des hormones, la péridurale, ce que ça provoque… tout ça sans jugement. On fait toutes nos choix en conscience, mais encore faut-il avoir les connaissances. Et souvent on ne nous les donne pas. On a toutes les clés en nous pour accoucher. Certes, il y a des choses qui sont mises en place pour nous soulager et pour nous accompagner en cas de besoin, mais nous accouchons. Je veux bien que l’on m’accompagne, mais c’est moi qui accouche. Et chaque femme doit pouvoir chosir ce qui lui convient le mieux.
Sur le féminisme, je dirais les BD “Culottées” de Pénélope Bagieu, sur toutes ces femmes oubliées. On apprend plein de choses, c'est beau. J’ai vraiment adoré. Ou encore “Sur la route” de Gloria Steinem, un classique.
J’ai aussi découvert une autrice éco-féminste, Isabelle Sorente. Elle a écrit un livre extraordinaire qui s’appelle “La femme et l’oiseau”. C’est un roman génial où il est question de femme, de sororité, de relation mère-fille, de relation à la nature. Il est magnifique.
Je suis très tournée vers l'éco-féminisme depuis quelques temps. L’éco-féminisme c’est, pour résumer, démontrer que les logiques de domination et d’oppression sur les femmes et celles exercées sur la nature sont issues d’un même système, de notre système patriarcal. La mode l’illustre parfaitement. Ce sont des grands patrons, des hommes généralement, qui donnent des ordres dans des pays sous-développés où ce sont des femmes qui sont exploitées. Ils oppressent en plus la nature, les ressources et polluent sans se poser de questions.
L’impact de ma grossesse sur mes productions
Je pense que je ne l’ai pas encore intellectualisé. Mais par exemple, c’est enceinte que j’ai imaginé la nouvelle série “Elles pensent la mode”, qui sera bientôt diffusée sur le podcast, avec des scientifiques, des chercheuses pour prendre de la hauteur sur les problématiques de l’industrie textile. Mon écriture a probablement également changé, mon rapport au corps aussi. Tous mes sens sont décuplés avec la grossesse. Je m’écoute beaucoup plus. Avant, j’avais tendance à toujours pousser mon corps, pour performer. Là, je suis davantage dans une relation de bienveillance avec lui, je suis plus douce car je sais les choses incroyables qu’il est en train de faire.
Mes conseils pour vivre les choses sereinement
Personnellement, c’est le sport qui m’aide à relâcher la pression, à évacuer, à prendre conscience de mon corps, à m’écouter. J’ai toujours vu le sport comme quelque chose qui permettait d’être bien dans sa tête avant tout. Cela vaut aussi et encore plus quand on est enceinte.