Être maman solo par Caroline
Je m’appelle Caroline, j’ai 32 ans et je suis journaliste. Je suis maman d’un petit garçon qui s’appelle Ismaël, qui a un peu plus d’un an et que j’élève seule.
Le contexte sentimental
Pour tout de suite remettre les choses dans leur contexte, entre le père de mon fils et moi c’était d’abord une histoire très forte, à l’origine amicale, qui a parfois débordé. On se connaissait depuis 8 ans, mais on se voyait régulièrement depuis 4 ans. En 2018, je suis tombée enceinte de lui une première fois, sous pilule. Il faut savoir que c’est rare, mais possible, par exemple lorsque l’on est sous traitement antibiotique en même temps. Peu de médecins généralistes ont le réflexe d’en parler mais certains médicaments peuvent annihiler les effets de la pilule. J’ai paniqué et j’ai pris la décision d’avorter. Tout ce cheminement a eu lieu sans que je lui en parle. Je l’ai bien entendu mis au courant avant l’opération : il a très mal pris le fait de ne pas avoir été réellement concerté. Comme j’allais partir au Brésil en sac à dos, l’avortement par médicament m’a été refusé car il peut y avoir un risque d’hémorragie. De plus là-bas l’avortement est interdit. Je suis donc partie en vacances entre amies en étant enceinte, en sachant que le fœtus grandissait, tout en sachant que ma date d’avortement était prévue à mon retour. Sur place, une seule de mes amies était dans la confidence.
L’avortement
J’ai avorté par curetage en septembre 2018. L’opération en elle-même s’est bien passée, il n’y a pas eu de complication. J’ai voulu sortir de l’hôpital au plus vite et le soir même j’étais au restaurant comme si de rien n’était. Mais moi, je savais que je n’allais pas bien le vivre. Je culpabilisais pour tout, pour les femmes qui n’arrivaient pas à avoir d’enfant alors que moi je n’avais pas souhaité en avoir. Je m’en voulais parce que j’avais eu cette chance et que je l’avais laissée passer. Qui me disait que j’arriverai à tomber enceinte par la suite ? Je me suis rendue malade, j’ai développé des maladies chroniques, j’ai énormément somatisé. Cet avortement c’était le début d’une longue descente aux enfers, je me sentais hyper seule.
Avec le géniteur, on arrivait à en parler un peu au début. Il a su trouver les bons mots pour me réconforter, m’a fait comprendre que je n’étais pas seule et que lui aussi y pensait tous les jours. Pour information, lui a déjà un enfant. Puis c’est devenu un sujet tabou. On a continué de se voir, mais c’était difficile pour moi. J’ai commencé à me tourner vers la médecine douce pour m’aider à évacuer : chiropraxie, ostéopathie, sophrologie… À l’origine, j’étais vraiment quelqu’un qui ne parlait pas du tout, j’étais très secrète, je ne partageais rien de ma vie privée et j’étais persuadée que je pouvais absolument tout gérer toute seule. Cette situation m’a fait comprendre que ce n’était pas possible.
En l’espace d’un an, je suis allée voir entre 5 et 10 fois ma gynécologue. Je devenais folle ! J’étais persuadée que quelque chose n’allait pas, qu’en avortant j’étais devenue stérile et que je ne pourrais plus jamais avoir d’enfant. Je me répétais en boucle : « c’est sûr, je vais regretter toute ma vie », je culpabilisais tellement. Je crois que le côté irréversible est le plus dur à gérer. Aujourd’hui j’ai du recul et je sais que j’ai pris cette décision pour une bonne raison et que c’était la meilleure chose à faire. Je trouve ça tellement important, primordial même que l’on puisse avoir le choix, que ce soit à nous de décider. Même si aucune femme ne fait ce choix de gaieté de cœur, même s’il ne faut absolument pas minimiser l’avortement.
La cloison utérine
Le 6 janvier 2020, j’ai 30 ans. Ce même jour, j’ai un rendez-vous avec un gynécologue hyper bien noté, que je ne connais pas. Ce que je ne savais pas, c’est qu’il s’agissait d’un spécialiste dans les problèmes de fertilité (ce qui n’était absolument pas la raison de ma venue). Pendant le rendez-vous, il me fait une échographie pelvienne et là, il m’annonce que j’ai une cloison utérine. Je ne savais pas ce que c’était, je n’en avais même jamais entendu parler !
Une cloison utérine, c’est une malformation de l’utérus. Il en existe plusieurs, allant de cloison partielle à totale. Si elle est partielle (comme moi) elle n’empêche pas une grossesse, mais elle multiplie les risques. En premier, de fausse-couches à répétition, en second de fausse-couche tardive et en dernier, d’accouchement prématuré. Il n’y a pas forcément de symptôme, donc on peut très bien avoir une cloison sans le savoir.
Le médecin me dit « au moins vous n’êtes pas stérile puisque vous avez réussi à tomber enceinte une fois » et poursuit « mais avec une cloison utérine, c’est plus compliqué que pour les autres femmes. ». Enceinte, je serai automatiquement considérée comme « grossesse à risque ». Il me demande si j’ai un projet bébé, et me parle même de congélation d’ovocytes ! Cette nouvelle, qui plus est le jour de mes 30 ans et en plein travail de reconstruction, je l’ai hyper mal vécue. Je ferme la porte de son cabinet et je me dirige vers le restaurant dans lequel mes amies m’attendent pour fêter mon anniversaire.
Tomber enceinte une deuxième fois
Une année s’écoule, je continue de fréquenter cet homme pour qui j’ai beaucoup d’amour, notamment parce qu’il est également comme mon meilleur ami. Aussi fou que cela puisse paraître, je tombe enceinte une seconde fois. Même personne, mêmes circonstances. Je n’avais pas encore de signes de grossesse, mais je sentais quelque chose. Ironie du sort, j’avais enfin rencontré quelqu’un qui me plaisait bien. On en était seulement au stade où on apprenait à se connaître doucement. Je me souviens avoir écrit quelque part : « J’ai rencontré quelqu’un, il y a un bon feeling, je l’aime vraiment bien, j’espère ne pas être enceinte. ». Comment est-ce que l’on annonce à une personne que l’on vient de rencontrer et qu’on commence à apprécier, que l’on est enceinte ?
J’avais quand même un petit doute, mais je suis partie rejoindre une amie à Marseille quelques jours. Comme si de rien n’était. C’était l’été et j’avais envie de profiter. Quand je suis rentrée à Paris, je suis allée faire mon test et je me suis retrouvée 3 ans en arrière, dans la même situation, dans le même appartement, le même canapé, toute seule. Je n’arrive pas à me rappeler ce que j’ai ressenti, tout était mélangé. J’ai pleuré, en même temps c’était l’angoisse totale, en même temps j’étais heureuse je crois. J’avais tellement regretté la première fois, pour moi ce n’était pas anodin que ça se reproduise exactement de cette manière. J’avais le choix maintenant, c’était à moi de voir : me choisir et avoir le sentiment de « réparer » ou choisir les autres, de ne pas garder cet enfant et m’en mordre les doigts à jamais ?
Je ne vais pas mentir, j’étais pratiquement sûre que je serai toute seule dans cette grossesse. Je me suis donc rapidement dit que j’avais deux options, et je me suis laissée le temps d’y penser. C’était facile pour moi de pouvoir dater ma grossesse puisque nous n’étions pas en couple, donc je savais exactement quand on s’était vus pour la dernière fois. J’étais enceinte depuis 4 semaines. Je suis partie faire ma prise de sang pour confirmer ma grossesse, et j’ai vu ma gynécologue. Ce rendez-vous était déjà programmé depuis longtemps puisque nous devions faire un point sur ma cloison utérine et parler d’une éventuelle opération. Mais entre temps, je suis tombée enceinte et ça a tout chamboulé. Je lui ai parlé de ma grossesse, lui disant que j’aimerai le garder. J’ai tout de suite rajouté « enfin si c’est possible » comme si c’était elle qui allait me donner la permission ! C’est dingue comme on peut s’infantiliser (ou se faire infantiliser !). Ma gynécologue m’a dit qu’on allait essayer. En me faisant passer l’échographie, elle n’a rien vu. On s’est donné rendez-vous une semaine plus tard pour voir si la grossesse était viable, ou si j’avais fait une fausse couche. Je ne pouvais toujours pas me réjouir.
Une semaine plus tard, ma grande sœur est avec moi pour le rendez-vous décisif. Je me rends compte que je prie depuis plusieurs jours pour qu’on entende le cœur. C’est trop tard, je suis déjà attachée ! Ce jour-là, on entend bien le cœur. Ma sœur, dans la pièce d’à côté, se met à pleurer. La gynécologue aussi est émue. En revanche, elle me confirme immédiatement que je vais devoir être suivie dans une maternité de niveau 3 : je suis considérée comme « grossesse à risques ». Sur ses conseils, je m’inscris à Port-Royal.
Annoncer sa grossesse
Il était temps de l’annoncer au père du bébé. J’appréhendais énormément parce qu’au fond je connaissais déjà la finalité de la discussion, mais aussi de l’histoire. Il est passé chez moi un après-midi et je lui ai tout dit, sans vraiment lui laisser le choix. Avec du recul je m’en veux un peu pour ça, c’était maladroit. Mais cette fois-ci, j’avais décidé de me choisir moi, pas lui. Il est resté un moment, il y a eu beaucoup de silences. Quelques phrases échangées, quelques mots qui comptent et auxquels j’ai pu me raccrocher par la suite, quelques questions mais pas de soutien. Je lui ai dit que s’il souhaitait jouer un rôle dans la vie de cet enfant, ma porte était ouverte. Le jour où j’ai eu confirmation de la viabilité de ma grossesse, je lui ai envoyé un message pour le prévenir, auquel il m’a répondu brièvement, et son message finissait par « Bon courage pour la suite ». Après toutes ces années.
Je n’ai jamais répondu à ce message. À l’heure actuelle, je n’ai jamais eu de ses nouvelles. Quelques semaines plus tard, il m’a supprimé des réseaux sociaux. Ça ne devait pas être suffisant car quelques mois après, il m’a même bloquée. Je me dis que c’est fou quand même d’arriver à vivre en sachant qu’on a un enfant qu’on ne connait pas, à seulement 2 kilomètres de chez soi !
Il a aussi fallu annoncer à mes proches, ma famille, mes ami.es que j’étais enceinte, et que je serai toute seule. En plus en ayant une grossesse à risque je ne pouvais pas trop me réjouir. Mais justement car c’était risquée, j’ai souhaité le dire immédiatement à mes parents et mes meilleures amies. Tout le monde l’a plutôt bien pris, mes parents étaient hyper contents et m’ont immédiatement soutenue. Par la suite, j’ai eu l’impression de devoir expliquer l’intégralité du contexte à chaque annonce : me justifier, tout de suite dire que je n’avais pas fait un enfant dans le dos de quelqu’un, que je connaissais cette personne depuis longtemps, que je ne l’avais pas rencontrée en boîte de nuit (et quand bien même !).
J’ai compris que si j’avais cette réaction, c’est parce qu’avant (et pas si longtemps que ça en arrière) j’aurais moi aussi très certainement jugé une telle nouvelle. Situation précaire, incompréhensible, pas un modèle classique. Il faut quand même savoir qu’en France, 1 famille sur 4 est une famille monoparentale. C’est énorme !
Ces annonces me permettaient de réaliser ce qui allait se passer et le choix que j’avais fait. Je m’étais choisie pour la première fois de ma vie. Mais avec cette décision, je devais également faire le deuil d’une relation, d’une amitié, d’un amour, d’habitudes et d’un schéma de vie « idéal » et « classique ».
La grossesse
Je n’ai pas spécialement aimé être enceinte, j’ai le sentiment de ne pas en avoir profité. J’ai pris quelques photos pour ne pas oublier, et parce que je savais que sinon je le regretterai. Elles sont quelque part dans ma boîte mail, mais j’ai mis beaucoup de temps à bien vouloir les regarder. Je n’ai pas aimé m’habiller, je ne voulais pas qu’on me voit, je faisais tout pour le cacher. Avec du recul j’ai l’impression que je suis volontairement passée à côté de plein de choses, comme si on m’avait volé ma grossesse.
Lors du 2ème confinement, je suis partie chez mes parents en province pour télétravailler. La gynécologue voulait m’arrêter hyper tôt, à 16 semaines, mais j’ai réussi à négocier puisque tout allait bien. C’était super important pour moi de continuer à travailler, à être active. À 6 mois de grossesse, je n’avais de toute manière plus le choix et j’ai enfin accepté de me faire arrêter. Finalement ça m’a fait du bien.
Je suis rentrée à Paris en janvier 2021. J’ai continué l’ostéopathie et la sophrologie. Tout allait bien, même si les médecins s’inquiétaient un peu que mon bébé ne se développe pas assez à cause de la cloison utérine (il était assez petit). J’avais donc des échographies toutes les 2 semaines.
L’accouchement
J’ai accouché quasiment un mois avant mon terme. Jusqu’au bout je faisais tous mes déplacements en métro. Je n’avais pas beaucoup de maux de grossesse, à part des douleurs ligamentaires quand je dormais ou me retournais en fin de grossesse. Je crois que mon fils ne m’a volontairement pas embêtée, comme s’il se faisait discret.
Ma hantise ? Devoir me rendre à la maternité en pleine nuit ! Comme j’étais toute seule, la logistique était compliquée, c’était une vraie question pour moi ! Par exemple, j’avais préparé une valise et un sac pour le jour de l’accouchement, et dans les faits, je n’ai pu partir qu’avec le sac, impossible de soulever la valise, qui plus est dans les escaliers ! Tout était réfléchi, anticipé et contrôlé au maximum.
Le 2 mars 2021, je sens une gêne, comme des douleurs de règles. J’avais un peu mal dans le dos, je n’avais pas très bien dormi. Je sens que quelque chose se passe depuis la veille. J’ai eu des premières contractions un peu douloureuses, mais qui se géraient bien. Elles étaient assez espacées, j’ai pris mon temps : j’ai un peu rangé l’appartement, j’ai pris une douche, j’ai mangé quelque chose…
Puis ça s’est accéléré, c’est devenu beaucoup plus douloureux. J’ai appelé un Uber, j’ai prévenu ma famille (qui était à Orléans) que je me rendais à la maternité. Mon obsession, c’était que le conducteur ne pense pas que j’étais en chemin pour accoucher, je craignais trop qu’il panique et qu’il refuse la course ! Du coup j’ai dû gérer mes contractions en silence, assise dans son véhicule avec le masque, en essayant de me contracter sur une série Netflix ! Bien entendu, il y avait énormément d’embouteillages, le trajet m’a semblé durer une éternité. Arrivés quasiment devant l’hôpital, le conducteur m’a demandé s’il pouvait me laisser au feu rouge car c’était plus pratique pour lui. Et moi j’ai dit oui ! J’ai prié pour ne pas avoir de contraction en traversant la route !
Arrivée à la maternité, on m’a prévenu que, comme c’était mon premier enfant, j’étais très certainement venue pour rien et que c’était fréquent. Ils m’ont contrôlée, j’étais déjà dilatée à plus de 3. Je suis donc restée ! J’ai prévenu ma mère, qui est venue d’Orléans : on en avait discuté, et c’était elle qui serait présente lors de mon accouchement. Je crois qu’elle l’a vraiment pris comme un cadeau, c’est rare d’assister à l’accouchement de sa propre fille !
Quand elle est arrivée, on venait de me poser la péridurale peu de temps avant. Je n’ai jamais quitté la salle dans laquelle on m’a installée. J’étais bien, je faisais des blagues, je n’avais plus mal. J’ai apprécié pouvoir gérer le dosage de ma péridurale. Un truc que je ne savais pas pendant l’accouchement ? Qu’ils devaient régulièrement vider notre vessie avec une sonde ! Je l’ai appris le jour J ! Comme quoi, il y a encore des choses qu’on ne nous dit pas.
L’accouchement s’est hyper bien passé : j’ai eu 7 heures de travail, 3 poussées et j’ai accouché à 23h31. Je critiquais un peu les cours de préparation mais en réalité, ils m’ont bien aidée ! J’ai eu une petite déchirure. Les points ont été faits par une interne car la sage-femme n’était pas à l’aise : on ne savait pas encore si je faisais une hémorragie ou pas. Après l’accouchement, j’ai dû attendre pendant 2 heures avec des compresses pour voir si ça saignait ou pas. Pas le plus agréable !
Quand Ismaël est né, j’ai mis du temps à comprendre je crois. J’ai eu beaucoup d’émotions mais je n’ai pas pleuré. Je savais qu’il était là, mais je ne réalisais pas que c’était mon fils. Et comme on est rapidement infantilisé (même à la maternité !) quand on me parlait j’avais parfois l’impression que j’étais sa sœur ! Il a fallu que j’apprenne à m’imposer, que j’arrive à trouver ma place.
Le post partum
Même si la déchirure était petite, les points étaient beaucoup trop serrés. Résultat, j’avais tout le temps mal, je ne pouvais pas rester dans la même position, porter mon fils me tirait, l’enfer. Mais on ne sait pas que ces douleurs ne sont pas normales ! Moi dans ma tête, je venais d’accoucher donc forcément j’allais encore devoir souffrir. Alors je le dis : avoir hyper mal plusieurs jours voire semaines, ce n’est pas normal.
Les premiers jours, je les ai passés avec ma sœur et ma mère dans mon tout petit appartement à Paris. Quand j’y repense c’était vraiment chouette, on était entre femmes, à se relayer et à prendre soin de mon fils. Un peu comme une meute de louves. Puis je suis partie vivre chez mes parents en province pendant les 2 premiers mois. Et heureusement, car objectivement je ne sais pas comment j’aurais fait sans eux. Quand Ismaël a eu 2 mois, on est tous les deux rentrés à Paris. Je n’avais qu’une seule chambre à l’époque donc dans tous les cas, on dormait ensemble.
J’avais décidé d’allaiter, du moins d’essayer. « Si ça se passe bien tant mieux, si ça ne se passe bien tant pis ». Ça s’est hyper bien passé, mais je n’avais pas envisagé le fait qu’il n’accepte pas le sevrage, c’est comme s’il cherchait à maintenir un lien. J’ai essayé pendant des mois et des mois de lui donner le biberon, sans succès. Sur la fin, je me sentais piégée dans mon allaitement. En plus en étant toute seule avec lui, cela impliquait que je ne pouvais jamais le laisser. Un jour alors qu’il avait 10 mois, il a accepté le biberon comme par magie et c’était parti ! Du coup comme c’était son choix et qu’il n’a pas été brusqué ni forcé, le sevrage s’est hyper bien passé. Je suis hyper fière d’avoir réussi à l’allaiter pendant 10 mois, c’est tellement génial comme expérience !
Ce qui m’a le plus traumatisé, c’est le manque de sommeil. Ismaël était un bébé qui ne dormait que sur moi (ou les membres de ma famille !). Le jour, comme la nuit. Le portage a clairement sauvé mon post partum, même si c’était tout de même hyper difficile car j’ai le défaut de ne pas savoir lâcher prise. Je voulais continuer à tout gérer, je me mettais une pression dingue sur tout. Je n’ai pas dormi plus de 2 heures d’affilées pendant plus d’un an. Même une fois sevré (comme quoi l’allaitement n’y est pour rien dans les nuits hachées, s’il est encore nécessaire de le rappeler !). Je ne le laissais jamais à personne car je craignais de déranger. Et je confirme : le manque de sommeil est une torture, je comprends que ça puisse rendre littéralement dingue. J’ai énormément culpabilisé, je me suis dit que tout était ma faute, que je devais le stresser. Et en même temps j’ai fini en pleurs plus d’une nuit, à crier. J’ai vécu un post partum très violent, surtout que la vie que j’étais en train d’avoir était totalement à l’opposé de la vie que je menais depuis toujours. J’étais quelqu’un qui sortait beaucoup, qui avait une vie sociale hyper importante, toujours des événements de travail, des voyages. Et puis du jour au lendemain, plus rien. Et une charge mentale multipliée par 10. Je me suis sentie extrêmement seule, seule dans tout. J’avais tellement idéalisé ma vie avec lui, tout ce qu’on ferait, le fait que mes amies seront hyper présentes etc. que quand je me suis retrouvée seule, ça a été hyper difficile à vivre. Et puis, petit à petit, les choses se mettent en place. Je me répétais tout le temps « tout passe Caroline, tout passe. Un jour ça ira mieux et tu repenseras à tous ces moments et tu seras fière de toi, de vous ! ». Aujourd’hui, Ismaël a 16 mois et je l’aime plus que tout. Je n’ai jamais regretté mon choix. Il est béni, il dégage une énergie que tout le monde ressent. C’est un véritable soleil dans ma vie. Je sais pourquoi il m’a choisie. Il y a encore des moments un peu difficiles, des nerfs qui lâchent mais dans l’ensemble, quand je regarde en arrière je me dis : « purée, on l’a fait ! ».
Le conseil aux mamans
Ce qui m’a beaucoup aidé, ce sont les réseaux sociaux. Dès ma grossesse j’ai intégré le Loma Club de Josépha Raphard. Puis j’ai commencé à raconter davantage de choses personnelles et ça m’a fait du bien. J’ai énormément de retours d’expériences, d’échanges. Après il faut aussi savoir faire la part des choses, Instagram c’est un outil génial mais ça peut aussi être hyper toxique. Je sais que quand on nous dit que « tout finit par passer » ça peut énerver et ça semble très loin. Mais en réalité il n’y a rien de plus vrai, tout passe. Quand j’enchaînais des nuits sans dormir, à rester debout pour le bercer, je me disais que j’allais finir par mourir de fatigue, parce que c’est possible de mourir d’épuisement ! Et puis finalement tous les matins je me réveillais et j’arrivais à faire ma journée comme si de rien n’était, j’avais l’énergie suffisante pour faire plein de choses ! Le corps est bien fait (même si c’est hyper dur de se le réapproprier) et le mental est puissant.
J’essaie aussi de mieux communiquer. J’ai beau être entourée, la maternité a clairement fait un tri drastique, et mes proches ne prennent pas toujours la mesure de ce que je vis. En réalité je me sens hyper seule dans ma maternité ! On me dit souvent que je suis courageuse, mais à quel point est-ce que je le suis ? La problématique c’est que pendant longtemps j’étais la seule de mes amies à avoir un enfant, donc je pense qu’elles ne réalisaient pas. Ma mère a été un élément majeur et une vraie force dans la mise en place de ma maternité. À part elle, personne ne m’a réellement soulagée. Personne ne m’a aidée à la maison, ne m’a préparé à manger ! Vraiment sans ma mère je ne sais pas comment j’aurais vécu mon post partum. Alors mon conseil bien entendu c’est : entourez-vous, mais entourez-vous bien ! C’est primordial, et ça que vous soyez en couple ou pas.
La maternité, ça réveille beaucoup de choses chez les mères. Ça met en exergue certains défauts et ce sur quoi on doit travailler. Donc mon dernier conseil serait d’accepter et d’accueillir toutes les émotions et les tempêtes par lesquelles vous allez passer. Tout est OK, rien n’est anormal et tout va finir par se mettre en place.
Le mot de la fin
Franchement ? On est quand même super puissantes.
Crédits photo : @deuzi photographie (Mathilde)