Amal : porter haut ses racines

Dans la lumière douce et solaire de Marseille, NOO et talm se sont réunis pour célébrer la pluralité des femmes. Ensemble, nous avons imaginé une série de portraits intimes, vrais, sensibles. Des récits de maternité, de corps, de transmission, d’amour et de liberté. Nous avons tendu l’oreille à celles qui donnent la vie, se cherchent, se réinventent, chaque jour un peu plus.

À travers leurs regards, leurs silences, leurs mots, elles nous livrent un témoignage unique. Celui d’une féminité multiple, mouvante, assumée. Un hommage sincère à toutes les femmes, à toutes les mères.

Pour cette série, nous avons rencontré Amal.

Amal est de ces femmes qui façonnent le monde avec douceur et puissance. Maman, amoureuse, entrepreneure, elle tisse chaque facette de sa vie avec sincérité, héritage et liberté. À travers ses mots, elle célèbre la résilience des mères, l’ancrage identitaire et la beauté des transmissions. Une conversation profondément inspirante, entre vulnérabilité et lumière, sur ce qui fait de nous des femmes alignées : corps, cœur et esprit.


Qui es-tu, Amal, aujourd’hui ? Si tu devais te décrire sans parler de ton métier, de ton statut ou de ton âge, que dirais-tu de toi ?

Je dirais que je suis une personne très rêveuse, curieuse, une amoureuse de la vie, passionnée. Ça fait un peu "la fille qui se sauce" (rires), mais en même temps… c’est vrai. C’est comme ça que je me perçois. Je suis profondément animée par ce que je fais au quotidien, par mon entourage, ma famille, les personnes avec qui j’ai grandi – mes frères, mes sœurs, mes ami·e·s. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si j’ai décidé de faire de ma passion mon métier.

Tu es maman, femme amoureuse, entrepreneure, ancrée dans ta culture et libre dans ton style. Comment toutes ces facettes cohabitent-elles dans ton quotidien ?

À vrai dire, je ne me pose pas cette question… Disons que la vie a fait que les choses sont arrivées sur mon chemin de manière tellement naturelle. Les événements les plus forts sont venus avec une telle fluidité, une telle cohérence, que tout ça cohabite très bien dans mon quotidien.

J’ai traversé une période très dure avec la perte de ma mère, même si je l’ai accueillie avec beaucoup de résilience. Notamment parce que je suis très croyante, mais aussi parce que la résilience que ma maman a eue pendant sa maladie est une qualité émotionnelle qui m’a toujours beaucoup inspirée. Je la mets aujourd’hui au centre de ma vie.

J’ai bien goûté au vinaigre à une période de ma vie. Et à chaque fois qu’un moment heureux est arrivé — même une petite étape, même quelque chose de "pas grand-chose" aux yeux du monde — je l’ai vécu comme une vraie bénédiction. Chaque étape, chaque accomplissement : la rencontre avec Tarik, le mariage, l’installation ensemble, la grossesse, l’arrivée de Noor, le lancement de mon activité… Tout s’est fait de manière assez naturelle.

Et puis quand je sens que c’est difficile, je ralentis. Je ralentis la cadence pour me réaligner, même si ça doit prendre un peu plus de temps.


Ta mère semble t’avoir beaucoup transmis. Peux-tu nous parler d’elle ?

Ma mère, c’est ma muse, mon égérie, mon tout. C’est ma source d’inspiration ultime. J’ai perdu ma mère quand j’avais 23 ans, j’en ai 34 aujourd’hui. Je dis toujours que c’était une histoire d’amour tellement forte… et je remercie Dieu chaque jour de m’avoir donnée cette mère-là. Elle nous a aimés d’une force, d’une intensité… c’était démesuré.

Ce qu’elle m’a laissé ? La confiance en moi, des valeurs de respect, d’ancrage identitaire. Elle m’a appris à ne pas avoir peur d’être qui je suis dans l’espace public, même dans une société qui peut nous rejeter pour ce qu’on est, pour ce qu’on représente, pour nos convictions religieuses. Et aujourd’hui, je me rends compte que je me sens heureuse et épanouie, et que cet épanouissement, il passe vraiment par cet ancrage-là, par cet alignement. C’est le socle de ma vie.

Elle m’a permis d’apprendre à me sentir bien dans mon corps. Elle m’a transmis une passion du vêtement empreinte d’histoire. Et ça, ça m’a aidée à accepter ce corps qui change — une grossesse, ça laisse des traces, physiques et psychiques. Mais elle m’a appris la résilience. Si ces traces sont là, c’est qu’elles doivent être là. Elles font partie du cheminement.

Et puis, par rapport aux vêtements, elle était elle-même chineuse quand elle vivait au Maroc. Elle avait un flow incroyable. Petits, on allait chiner avec elle. C’est là que tu prends conscience de la force de l’exemplarité, de ce que tu transmets à tes enfants. Et aujourd’hui, j’en ai fait mon métier. Pour moi, le vêtement, c’est une représentation de la dignité. C’est une prolongation de l’expression de soi, de l’affirmation de son identité.

Avant, pendant, après l’accouchement, le vêtement, ça a été mon armure. Et maintenant que je suis maman, je réalise que tout ce qu’elle m’a inculqué, ce sont des valeurs que j’ai envie de transmettre à ma fille. Et je pense que je le fais, naturellement. Et je suis assez fière de ça.

Tu as donné naissance récemment. Comment as-tu vécu cette période d’après si intense ?

C’était intense. Difficile, mais précieuse. J’aurais aimé vivre ces 40 jours post-partum comme un vrai moment de soin et de transmission, mais j’étais loin de ma famille. Et en fait, je réalise que j’ai vécu mon accouchement comme ma mère l’a vécu : loin des siens. En rentrant de la maternité, je me suis retrouvée à la maison, en pleurs, en me disant : “Putain, ma mère n’est pas là.”

Même si ma belle-mère était présente, rien ne remplace ce lien. Ce moment où tu deviens mère, tu as juste besoin de ta maman. J’aurais voulu lui dire : “Regarde, c’est ma fille.”

Mais j’ai rattrapé mes esprits. Je me suis dit : ok, c’est comme ça. C’est à ton tour. Maintenant, c’est à toi de chérir cet enfant que tu as dans les bras. Et j’ai reçu tellement d’amour de ma mère, j’ai eu tellement de chance pour ça, que finalement, cette reconnexion s’est imposée à moi.

Dans la dureté de la vie, même si c’était difficile, je ne changerais rien. Je pense que si ma mère n’était pas là, c’est que je devais vivre cette épreuve de cette manière-là. Pour me reconnecter à ma famille, à moi, et pour m’épanouir avec mon mari et ma fille.


Dans un univers de la mode encore très codé, comment crées-tu de l’espace pour ta voix, ton corps, ton héritage ?

Je suis passionnée de mode. Je lis encore la presse papier, j’observe les gens dans la rue (c’est ma plus grande source d’inspiration). Je ne me pose pas la question d’entrer dans un cadre ou de suivre des codes. Ma mère nous a toujours appris à être fières de nos racines, de notre héritage culturel, de notre savoir-faire au Maroc. Finalement, c’est tout cet héritage que j’ai vu à travers mes yeux d’enfant, et que je reproduis sans forcément m’en rendre compte.

C’est assez instinctif, et je suis tellement fière de mes racines. Je n’ai pas envie de me cacher. Dans ma communauté, il y a environ 70 % de personnes racisées, et j’ai énormément de femmes qui m’écrivent pour me remercier de les faire rayonner. On incarne quelque chose, même si parfois on a l’impression que le vêtement est superficiel.

Mais pour les générations à venir, on devient des rôles modèles. Et à partir du moment où on influence, c’est aussi notre rôle de porter des messages. C’est pour ça que je veux mettre ma culture en lumière, même si c’est politique.


Comment vis-tu les paradoxes de ton corps : entre puissance et fatigue, beauté et pression ?

Parfois, c’est dur, mais franchement, je ne peux pas me plaindre : je suis en bonne santé. Dès que je doute, je pense à ma mère, à sa souffrance, à sa résilience. Je relativise. Et puis j’ai la chance d’avoir un mari très aimant, qui m’écoute, qui me booste quand je perds un peu confiance. Et ça, c’est une chance folle.


Qu’est-ce qui t’aide à rester alignée avec toi-même dans ce tourbillon ?

La spiritualité. Dieu m’aide à rester centrée. Je me nourris de cette connexion et je suis profondément reconnaissante pour chaque bénédiction. J’ai traversé des périodes très dures, mais j’ai toujours été guidée. Ma famille, mon cocon, ma simplicité de vie m’aident à ne pas me perdre dans ce monde qui va vite. Je ne rêve pas d’abondance matérielle. Je rêve d’alignement, d’élévation spirituelle. Je ne suis pas prise dans le tourbillon de la société capitaliste. Très jeune, j’ai compris que le travail, c’est bien, mais que la spiritualité, ça t’élève intellectuellement. Et mon noyau, mon cocon familial, c’est ce qui me garde ancrée.

Y a-t-il une pièce vestimentaire qui incarne une étape de ta vie ?

Pas une seule. Je suis très attachée aux vêtements, mais je garde une certaine distance : ça reste du tissu, calmons-nous. Par contre, je construis une collection de pièces traditionnelles à transmettre à ma fille. Pour moi, c’est ça la transmission. Quand on va au Maroc, je m’habille de manière traditionnelle, pendant les fêtes également. C’est une construction identitaire essentielle, et je ne veux pas passer à côté.


Que voudrais-tu transmettre aux femmes qui viendront après nous ?

Je veux leur dire que savoir d’où l’on vient, c’est ce qui nous permet de devenir pleinement soi. L’alignement identitaire, c’est la clé du bonheur. Il ne faut jamais avoir honte de qui l’on est, d’où l’on vient, de ses convictions. Il faut les porter haut, fort, fièrement. Même si ça dérange.

Crédits : Yosra Far, pour NOO et talm

Amal porte la robe Black Valentine de NOO

Découvrez nos produits