La maternité pour tout conjuguer par Julie
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"Je m’appelle Julie, j’ai 32 ans, je suis la maman de Pia 5 ans, Alma et Léon des jumeaux de 2 ans. Je travaille avec ma maman dans le secteur du prêt-à-porter, nous avons co-crée les boutiques Libertie, il y a 12 ans. Nous habitons à Paris, on vient tout juste d’emménager dans notre petit nid après 4 ans de travaux.
Je suis fille unique, on m'a souvent demandé si j’aurais aimé avoir des frères et sœurs, et j'ai toujours répondu un peu mécaniquement « non, je suis bien ainsi », certainement par peur de blesser mes parents…
Mes parents ont divorcé à l’adolescence et tout cela m’a un peu éclaté au visage. Je me suis retrouvée prise entre les deux, sans soupape, sans soutien d’un frère ou d’une sœur. J’ai très vite senti que j’allais avoir besoin de créer mon cercle, mon nouveau cocon. Dès l’adolescence, je me souviens que mon but numéro 1 était de créer ma famille et d’avoir des enfants.
Le syndrome des ovaires polykystiques
Mais à 18 ans, problème : on m’a diagnostiqué un SOPK (syndrome ovaire polykistique). La gynécologue que je consultais m’a dit que je pourrais avoir des enfants mais que ça allait sûrement prendre du temps.
J’étais terrifiée à l’idée de ne pas réussir à avoir d’enfant, ça me trottait dans la tête tout le temps. Lorsque je prenais des mini risques dans ma vie, ma petite voix intérieure me disait « attention ma petite, ne te loupe pas, ça serait dommage de mourir avant de devenir maman ». Ça frôlait l’obsession !
J’ai commencé à travailler assez jeune. A 21 ans, ma maman m’a invité à rejoindre son aventure entrepreneuriale. J’ai rencontré mon mari dans la foulée, par contre lui le projet bébé ne faisait pas du tout partie de ses priorités. (rires)
Il a vite découvert mon envie de maternité… et ça lui a fait peur quelques fois. Puis après plusieurs années de relation, il a donné le « go » pour qu’on démarre le projet. On s’était tous les deux conditionnés au fait que ça pourrait prendre un peu de temps.
La PMA
On a tout de suite commencé par une technique de PMA. Ça me rendait triste de ne pas réussir à tomber enceinte naturellement mais en même temps je n’étais pas trop stressée car je savais qu’on avait du temps devant nous.
Alors qu’on sortait d’une FIV qui n’avait pas fonctionné, et qu’on avait déjà un an et demi de traitements derrière nous, on s’est dit : on s’accorde une pause pour les vacances ! On avait besoin de souffler, de se sortir du quotidien, alors on a booké un voyage de trois semaines en Inde. Cinq jours avant de partir on a appris que j’étais enceinte ! On a annulé le voyage, et on est finalement partis pour une destination plus proche et plus raisonnable.
La grossesse
J’étais méga stressée les premiers mois. J’étais sous anti coagulant, je me faisais des injections quotidiennement, ce qui me faisait saigner. Forcément les saignements pendant la grossesse, c’est la panique...!
Après les deux premiers mois, je sentais que c’était parti, j’étais rassurée et beaucoup plus apaisée. On attendait notre petite fille avec impatience ! La grossesse se passait très bien, c’était assez facile. A ce moment-là niveau boulot, je ne me mettais pas trop la pression, mon objectif était d’avoir mon bébé, avant tout. J’avais 26 ans.
J’ai trouvé le parcours PMA compliqué à plusieurs niveaux mais j’ai trouvé que c’était presque mission impossible de conjuguer cela avec le boulot. On nous avait recommandé d’être suivis par des pontes dans le domaine mais le cabinet était à l’autre bout de Paris. Il fallait se rendre à beaucoup de rendez-vous de contrôle, tous les deux à trois jours, et bien sûr s’immobiliser après les interventions ... Je me suis souvent demandé comment j’aurais réussi à faire tout cela en étant salariée ! J’imagine très bien la pression supplémentaire pour les femmes qui doivent justifier leurs absences et les rendez-vous à répétition dans un cadre corporate. De mon côté ma mère était au courant et m’a beaucoup soutenue, avec sa casquette de maman/associée.
Notre fille Pia est née à terme, tout le monde se portait bien, mon mari s’est révélé être un vrai papa poule, on était super heureux ! Devenir maman m’a permis de me sentir beaucoup plus épanouie dans ma vie, ça m’apaise et me booste aussi ! Après la naissance, j’ai mis un petit coup d’accélérateur niveau professionnel. Pia allait à la crèche, on avait la même vie qu’avant mais en mieux, le rythme était vraiment gérable.
Avoir un second enfant
Rapidement on a parlé d’avoir un second enfant, on était hyper bien à trois mais on savait que ça pouvait prendre du temps. Après le premier anniversaire de notre fille on s’est lancé dans le projet bébé numéro 2. On ne s’est pas trop mis la pression, on se sentait déjà très chanceux d’avoir Pia.
Un an est passé et toujours pas de bébé à l’horizon, j’ai donc décidé d’aller voir mon gynécologue de ville cette fois. Je n’avais pas trop aimé notre première expérience, même si le gynécologue était très réputé, et qu’il était un pionnier des « bébés éprouvettes », je n’ai pas aimé le contact sur place, c’était à la chaine.
Mon gynécologue de ville lui, m’a proposé de faire une petite « PMA artisanale » (rires) . Son cabinet est à côté de mon bureau, on a juste fait des petites injections d’hormones, avec monitorings réguliers, et on attendait de voir ce qui allait se passer. J’ai ressenti moins de pression, tout était plus humain. Lui a trois enfants, on s’entend bien, il venait d’ailleurs d’avoir des jumelles et il n’arrêtait pas de me répéter à quel point c’était galère ! Il ne dormait plus la nuit.
Puis, avec mon mari, on a décidé de partir en week-end à Londres en amoureux, ce qui m’a fait louper un monitoring de suivi. J’ai eu d’ailleurs de violentes douleurs dans le ventre pendant notre escapade mais je n’y ai pas prêté plus d’attention que ça. Les weekends à deux sont assez rares… j’ai pris sur moi !
Être enceinte à nouveau
Deux semaines après, je me suis en fait rendu compte que j’étais enceinte. Je suis toujours tombée enceinte à chaque fois que je m’autorisais des moments de break et de décompression. La PMA, c’est hyper contraignant, tout est calculé, rien n’est spontané. Au final changer d’air, se détendre, ça fait du bien et ça débloque beaucoup de choses.
J’ai pris rendez-vous chez mon gynécologue, et mon mari qui avait une obligation professionnelle ne pouvait pas m’accompagner. Il m’avait dit qu’il viendrait à la prochaine. Je suis donc allée à mon rdv, et à la surprise générale, il m’a dit qu’il y avait trois ou quatre poches, en me demandant de revenir dans une semaine pour avoir plus de certitudes. J’étais seule face à mon gynéco, lui qui n’arrêtait pas de me dire aux rendez-vous précédents qu’avoir des jumeaux, c’était hyper galère ! Alors forcément à ce moment-là ma réaction a été de rire aux éclats, de pleurer, de rire…
En fait, l’explication à tout cela est que j’ai été trop stimulée. Si j’étais allée à ce rendez-vous au lieu de partir en week-end, il m’aurait certainement dit de ne rien tenter à ce moment-là…
En sortant du rendez-vous, j’ai appelé mon mari, et je lui ai demandé de s’assoir. Je lui ai expliqué que les choses ne s’étaient pas passées comme prévu et qu’il y avait plusieurs poches…
Mais finalement les examens suivants nous ont confirmé que nous attendions des jumeaux. On me demande souvent si j’ai été choquée au moment de l’annonce... mais moi à ce moment-là je me suis surtout dit que deux bébés c’était « faisable » après l’annonce de trois ou quatre… Donc on était hyper heureux !
On nous a ensuite annoncé les sexes : une fille et un garçon. Mon mari était très content, moi aussi, l’idée d’avoir deux garçons d’un coup m’angoissait un peu. Trop plein d’énergie ! (rires)
La grossesse gémellaire
Avec du recul, la grossesse s’est plutôt bien passée. J’ai pu travailler jusqu’au bout. J’ai mis un petit coup de boost supplémentaire niveau boulot, j’avais envie d’avancer le plus possible tant qu’ils étaient dans mon ventre car pour moi la suite c’était un peu l’inconnu.
Mon ventre me semblait quand même très lourd, j’avais l’air d’être à terme à partir du sixième mois. Tout le monde me demandait hyper souvent d’ailleurs « c’est pour quand ? ».
J’étais un peu déprimée, parfois je me demandais vraiment à quoi allait ressembler notre vie. Il m’arrivait de paniquer puis de me rassurer en me disant qu’on allait y arriver ! c’était les montagnes russes. Le fait de passer d’une famille de trois / au statut de famille nombreuse, c’était parfois « too much » pour la fille unique que je suis (rires) . Notre première fille, Pia, s’est toujours adaptée. On l’emmenait partout, sans trop de logistique ! Quand je me projetais dans la vie à cinq, forcément j’avais des moments de doutes.
La naissance
J’adore le moment de la naissance. Pour moi c’est vraiment un moment magique, suspendu. Je suis sur mon nuage. J’étais ultra fière d’avoir mis au monde nos deux bébés, ils étaient en parfaite santé, la rencontre avec la grande sœur était un moment si touchant. On était au maximum sur l’échelle du bonheur !
Le retour à la maison a été plus compliqué, c’était ma première expérience du baby blues. J’étais heureuse mais j’ai pleuré pendant plusieurs jours. J’étais épuisée, avec la chute d’hormones et les nuits vraiment courtes du début.
Mon mari travaillait et j’étais seule à la maison. Avec des jumeaux, tu finis à peine un soin ou un biberon, que c’est déjà l’heure du prochain. C’est du non-stop !
Mon organisation
J’avais dit à mon mari d’aller bosser, de garder ses congés, car je pensais pouvoir gérer. On était en juin et on avait envie de passer tout le mois d’août ensemble.
Mais finalement j’ai vite compris qu’un enfant versus trois enfants, c’est très différent ! Je ne voulais pas renoncer à ma liberté, notre vie de couple, mon boulot etc. On s’est rendu compte que cette fois c’était du sérieux et qu’il allait falloir s’organiser pour « survivre ».
Digérer et assumer la famille nombreuse ça m’a pris du temps. Moi qui avait un désir d’enfant si profond, je ne comprenais pas pourquoi j’avais du mal à atterrir dans notre nouvelle vie. Avec ma fille aînée on se sentait libre d’improviser, avec trois enfants l’improvisation peut vite tourner au fiasco. J’ai décidé de m’organiser sur les tâches un peu répétitives : les couches, les bains, les repas. Pendant les vacances, j’ai pris un peu d’aide avec moi à la maison. On a pris nos marques avec une jeune fille au pair cet été là. J’ai été moi-même au pair plus jeune. J’avais trouvé ma famille en m’inscrivant sur Aupairworld.com, et ce site existe toujours, il est super bien fait.
Cette aide précieuse nous a permis de préserver notre ainée, nous avons pu continuer à lui accorder des moments rien qu’à elle. Pas évident pour elle non plus l’arrivée de deux bébés d’un coup !
Alma et Léon sont gardés à la maison par une nourrice, et ils vont une fois par semaine à la crèche. Ça nous permet d’avoir un rythme assez relax, pas de stress le matin ou le soir. Les journées passent si vite…mais avec cette organisation on a vraiment le sentiment de profiter à fond de chaque instant.
Conjuguer vie pro et vie perso
J’ai de la chance d’avoir pu organiser ma vie autour de ma famille : j’ai un bureau à cinq minutes à pied de la maison. Le matin je me prépare dans le calme, et les petits ne sont jamais très loin... c’est beaucoup de câlins et de discussions. Le soir, c’est plus animé ! Je rentre vers 19h, les enfants sont douchés et ils terminent leur dîner. Ensuite ils savent que nous sommes complètement disponibles pour jouer avec eux, écouter leur journée etc…
Pour moi, il faut une organisation bien huilée avec une routine bien assimilée par tous les membres de la famille pour s’accorder des moments d’impro et se sentir libre !
Un grain de sable peut venir perturber tout ça très vite, bien entendu !
Bientôt les petits vont rentrer à l’école et on va devoir trouver une nouvelle organisation. J’essaie déjà de réfléchir à une stratégie, ça s’annonce un peu plus sportif !
Mon mari est hyper impliqué, on se répartit les rôles assez naturellement en fonction des affinités de chacun. Il gère vraiment, il m’impressionne très souvent (je ne lui dis pas assez) !
On nous a beaucoup dit que les trois premières années avec des jumeaux, c’est compliqué, qu’il faut s’organiser, ne pas hésiter à demander de l’aide. Au début je n’y croyais pas mais tout était vrai !
Prendre soin de soi
Je n’ai pas toujours eu le temps de prendre soin de moi. J’ai perdu du poids assez vite car je courrais partout et je manquais parfois de temps pour me cuisiner quelque chose. Mais je ne suis pas au top, loin de là, au bout d’un moment j’ai lâché prise car je n’arrivais pas à être sur tous les fronts. Les enfants, le boulot, le projet de construction en parallèle … J’ai eu ma période, jean/t-shirt/baskets, je m’attachais juste les cheveux et c’était déjà très bien.
Cette année, j’ai ressenti l’envie et le besoin de prendre plus de temps pour moi. On a commencé des cours de yoga au bureau, ça me reconnecte avec ce corps que j’avais mis un peu de côté. Ça fait un bien fou !
Le retour au travail
Après l’arrivée des jumeaux, j’ai repris très vite. Pas mal de gens de mon entourage me disaient de ne pas retourner bosser tout de suite, que les enfants grandissent trop vite qu’il faut en profiter. Mais l’entreprise avait besoin de moi et j’avais moi aussi besoin de retrouver mon rythme de travail, mon équilibre.
Le confinement
Ce fichu virus a bien sur changé notre rythme, j’ai un peu levé le pied au travail, contrainte et forcée mais pour mon plus grand bonheur ! On profite de nos enfants, on prend le temps.
Le premier confinement c’était chaud ! Ils étaient vraiment petits on télé travaillait tous les deux, on se relayait comme on pouvait, jour/nuit, semaine/weekend. Notre appartement était en travaux alors ma maman nous a gentiment prêté sa maison. On a eu beaucoup de chance d’expérimenter une vie plus douce dans le sud de la France.
Le projet de construction
C’était un gros challenge pour nous, on a eu l’opportunité de réaliser une surélévation de notre appartement. Le projet aura pris quatre ans et forcément pendant tout ce temps le projet a évolué. Il grandissait en même temps que nous, que notre famille. Tout a une place, tout est optimisé (ce qui nous aide pour la fluidité du quotidien). J’ai pris du de temps pour penser la partie agencement, pendant que mon mari s’occupait de la partie construction. La faisabilité de ce genre de projet est assez rare, on a eu beaucoup de chance. Après quatre ans de stress, nous sommes heureux de prendre nos marques dans notre nouveau nid.
Devenir entrepreneure
J’entends souvent dire que ce n’est pas le bon moment, qu’on ne peut pas tout faire en même temps. Mais je crois que si on a l’envie, il faut tout faire en même temps. Mes enfants, c’est mon boost ! Je suis bien plus productive depuis que je suis leur maman.
Côté couple, c’est parfois compliqué. Trois enfants, le boulot, deux confinements, c’est intense ! Mais on essaie de s’accorder du temps, on communique beaucoup... La clé c’est de parler. Et les enfants ça soude même si tu n’as plus beaucoup de temps à deux.
Que ce soit sur le plan perso ou pro tout ne peut pas être parfait tout le temps, ça se saurait !
Tout cet équilibre peut vite s’écrouler, mais la période que nous traversons nous pousse à nous adapter et à relativiser. On attend maintenant de pouvoir s’évader avec les enfants on adore ça et eux aussi !"