Young mama par Marine
Temps de lecture 10 min.
"Je m’appelle Marine Faure, j’ai 22 ans, je suis la maman de Ishaq qui a 17 mois, et avant d’être enceinte j’étais modèle. Pendant ma grossesse j’ai pris 30 kilos et forcément le rapport à mon corps a très vite changé. J’ai aussi perdu mes cheveux après l’accouchement lorsque j’ai retrouvé mon poids, donc pareil, grosse remise en question sur la confiance en moi. J’ai toujours travaillé avec mon physique. Tout à coup, je n’avais plus aucun repère. J’ai arrêté de faire des photos pendant un petit moment, là je reprends petit à petit en parallèle d’un projet entrepreneurial sur lequel je travaille.
La rencontre avec mon mari
On s’est rencontrés en vacances en Thaïlande : j’avais pris mes billets un soir à 22h et le lendemain à 10h j’étais dans un avion pour rejoindre une amie. C’était le coup de tête d’une vie, le genre de folie d’une personne de 20 ans. Sur place ça s’est hyper mal passé avec ma copine, et au final j’ai rencontré ce mec, et je n’osais même pas le regarder dans les yeux. J’étais tellement intimidée et trop love direct. On a fini nos vacances ensemble, on est rentrés à Paris ensemble, on ne se quittait plus.
L’annonce de la grossesse
J’étais sûre et certaine que j’avais trouvé la bonne personne. J’étais persuadée que c’était lui. Je le disais à tout le monde. Une semaine avant la date prévue de mes règles, je savais que j’étais enceinte. J’en ai parlé à ma mère qui me disait « mais arrête tes bêtises ». Mais moi je l’ai senti !
A ce moment-là ma mère partait en Chine pour le travail (elle est styliste). J’ai fait le test à six heures du matin, positif. Je me suis retrouvée toute seule avec mon test, j’ai appelé une pote et on est parties ensemble voir un gynéco.
L’inquiétude
Il fallait que j’aille chez la gynéco tout de suite, que j’aille voir si tout allait bien. Qu’il décide d’être là ou pas, peu importe, moi j’allais gérer. Je suis donc allée chez ma gynéco, mais c’est sa remplaçante qui m’a accueillie et autant ma gynéco est une femme formidable, autant cette femme a été brutale dans ses propos en me disant qu’il y avait beaucoup de chances que mes règles arrivent dans une semaine, que le bébé risquait de partir, que beaucoup de femmes vivaient ça et que je ne l’aurais probablement même pas su si j’avais attendu pour faire le test. Pendant une semaine j’étais très mal.
Devenir parents, à deux
On vient de mondes très différents. On a commencé à discuter, à se poser plein de questions. Mais j’étais aussi très euphorique, rien n’allait changer mon opinion ou mon point de vue sur le sujet, c’est-à-dire garder mon bébé. On a fini par conclure qu’on allait être parents, ensemble. Lui a seulement 24 ans à ce moment-là. J’ai appelé ma mère pour lui annoncer la nouvelle alors qu’elle était toujours en Chine. Quand je lui en ai parlé, elle était dans tous ses états, elle avait peur que je me retrouve toute seule. Mon père, lui, a tout de suite été très content pour moi. C’était un peu l’inverse : pour lui je prenais mes responsabilités.
Une nouvelle étape
On s’est mariés un mois après, la grossesse se passait bien, on a trouvé un appart dans les mois qui suivent. Ça a été un gros chamboulement, tout a mis du temps à s’organiser. Avant de déménager à deux, on a vécu six mois chez ma mère, lui allait travailler et rentrait le soir. Ça se passait très bien. Puis d’un coup on avait notre chez nous, et comme c’est lui travaillait et moi qui restait à la maison, on jouait un peu au papa et à la maman. Moi j’étais censée m’occuper un peu de la maison, et ça je ne savais pas faire ! Ca a été très dur de me dire « ok, c’est ça ma vie maintenant ? ». Puis Ishaq est arrivé.
L’accouchement
L’accouchement s’est très bien passé. J’ai accouché aux Bluets, et je voulais le faire sans péridurale. J’ai fait tous les cours de préparation possibles. J’ai perdu les eaux à 6 heures du matin, mes contractions étaient tout de suite régulières et ouvraient mon col. Tout s’est hyper bien enchaîné, jusqu’à 7 heures de contraction sans péridurale. J’ai eu le bain, le masque de gaz hilarant etc. Je suis arrivée au début de la garde de ma sage-femme, donc elle était à fond ! C’était trop bien, mon mec était vraiment préparé aussi car il avait fait tous les cours avec moi. On était au taquet et trop contents tous les deux.
Mais au bout d’un certain temps, les contractions me faisaient très mal, j’ai décidé d’opter pour la péridurale. Quand la péri a commencé à faire effet, c’était la folie ! Je voulais appeler Ishaq « Péridurale » (rires). Meilleure sensation du monde, il faut prôner la péridurale. Tu peux te lever, aller aux toilettes, choisir la dose. C’est magique !
Sauf que j’ai fini par ne plus sentir ma jambe. Je l’avais trop dosée. La sage-femme m’a aidée à me mettre du côté de l’autre jambe et une heure plus tard j’ai commencé à la sentir de nouveau, et c’est là où j’ai senti que ça poussait, on voyait la tête ! Mon mec me dit « allez c’est parti, c’est maintenant ». Mais moi je dis que je ne peux pas, que c’est trop tôt, que j’ai dis à mes copines que j’accouchais dans la nuit. Fou-rires. Et plus de contractions.
L'attente
Alors on attend encore, jusqu’à ce qu’elles reviennent. Pendant tout ce temps, je n’ai plus appuyé pour doser la péridurale car je voulais sentir ma jambe. Donc j’avais vraiment mal, et il était temps de pousser. Et mon mec à qui j’avais dit de ne pas regarder passait son temps à le faire, j’étais obligé de lui dire d’arrêter.
Donc j’étais stressée, je n’arrivais plus à pousser. Mon mec qui voyait tout me disait pour me rassurer « Je te jure qu’à la prochaine contraction, même si tu ne pousses pas, il va sortir, parce qu’à chaque fois il sort un peu plus ». Il m’explique vraiment ce qu’il se passe, et ça me remotive. Il m’a beaucoup aidé. Finalement, il y a eu cette contraction, il est sorti, et on l’a posé sur moi.
La rencontre avec mon bébé
La sage-femme l’avait couvert et elle est sorti de la pièce pendant au moins trente minutes. J’étais avec mon bébé, mon placenta toujours à l’intérieur. Mon mec n’a pas voulu couper le cordon alors même qu’il avait tout vu, il n’était pas hyper à l’aise (rires). En tout cas, super accouchement.
Je voulais allaiter sauf que Ishaq avait un frein de langue, on l’a remarqué trois mois après. Mais du coup au début, chaque tétée je pleurais. Au bout de deux jours, j’ai dit stop. Sauf que ma montée de lait est arrivée à ce moment-là. J’avais les seins énormes. On me disait qu’il ne fallait pas les vider car ça allait empirer la chose.
Malgré cela, arrivée au monde super, alors on rentre chez nous. Au troisième jour, on va chez le pédiatre, ça faisait une semaine qu’il était né. Tout le monde me disait que je n’avais pas besoin d’y aller, que mon bébé allait très bien. Moi j’avais vraiment envie de faire ce point. Lors de la visite, la pédiatre remarque que mon bébé a perdu 300 grammes et nous dit qu’il va falloir aller à l’hôpital tout de suite.
La première hospitalisation
On y va en catastrophe, mais au fond de moi je me dis qu’ils vont nous dire que tout va bien, qu’on y va juste pour vérifier.
A l’arrivée, ils lui ont fait un test urinaire, on détecte une infection. On me prend mon bébé parce qu’il faut faire d’autres tests : une prise de sang et une ponction lombaire. Je panique quand j’entends « ponction lombaire ». On m’explique que les risques de la ponction lombaire sont moindres par rapport aux risques de l’infection urinaire qu’il a actuellement. Mon monde s’effondre, heureusement que mon mec était là.
On nous dit ensuite que ses reins vont bien mais qu’il doit être hospitalisé pendant une semaine pour les antibiotiques. On passe la semaine à l’hôpital, impossible de se reposer et de dormir. Ishaq venait de naître, ce qui veut dire réveil toutes les trois heures. Souvent les infirmières passent alors qu’il vient juste de se rendormir. On est épuisé. On se trouve dans un service où il y avait des enfants plus grands. Puisque Isaac était déjà sorti de l’hôpital, on ne pouvait pas le mettre en néo-natalité. Les médecins nous disaient qu’il y avait beaucoup d’épidémie à cause de l’hiver, et qu’il fallait bien se laver les mains. Le stress.
Deux jours avant la sortie, je remarque qu’il a du mal à respirer normalement. Comme par à-coup. Pour eux tout allait bien, ils écoutaient les poumons et rien ne semblait anormal. Il avait aussi des électrodes, donc il était bien monitoré. On me dit de ne pas m’inquiéter.
L'intuition maternelle
Le jour de la sortie, je lui donne son biberon, et des centaines de petits boutons apparaissent sur son visage. Je le filme pour le montrer aux médecins, mais on me dit encore de ne pas m’inquiéter, que ce n’est sûrement qu’une allergie au lait. Au même moment Ishaq recommence à avoir sa respiration saccadée, alors j’insiste en disant que quelque chose ne va pas. Encore une fois, selon eux les examens sont bons, il n’y a rien à signaler. Ils me disent qu’il ne faut pas trop regarder les bébés.
On rentre à la maison à onze heures. J’en parle avec ma mère toute la journée, je lui explique tout ce qui a l’air de ne pas aller, mais pour elle c’est surtout normal que je m’inquiète vu tout ce qui est arrivé en deux semaines. Quand je lui envoie une vidéo d’Isaac, et c’est elle qui me dit d’appeler les pompiers tout de suite. Je ne m’en rendais pas compte, mais il tirait super fort pour respirer.
Les urgences pour Ishaq
Cinq heures après être sortie de l'hôpital, j'appelle donc les pompiers. Ils viennent et me disent que mon enfant va bien, et encore une fois j’entends cette phrase : « Les enfants, il ne faut pas trop les regarder. »
Je suis obligée d’insister encore. Je leur dis que mon bébé ne va pas bien, qu’il a dormi toute la journée, qu’il n’a pas mangé, qu’il respire mal. Les pompiers décident de nous emmener à l’hôpital, mais pour nous “rassurer car on est de jeunes parents”.
On nous emmène dans un autre hôpital. La personne qui nous reçoit nous dit tout de suite que notre bébé a une bronchiolite. On est arrivé à 17h. A 21h, il avait un tuyau pour le nourrir en dessous de l’estomac et une grosse sonde respiratoire.
L’infirmière me dit qu’il n’aurait pas passé la nuit sans assistance respiratoire. Heureusement que j’ai insisté. J’ai senti que personne ne voulait m’écouter car je suis une jeune maman de vingt ans, j’étais trop jeune par rapport à leurs critères. A chaque fois on me rappelle que je suis une jeune maman. Il y a jeune maman dans le sens « tu viens d’avoir un bébé », mais aussi jeune maman par rapport à mon âge. Mais peu importe l’âge, l’instinct de la mère est vraiment important.
L'hospitalisation
On est resté dix jours à l’hôpital pour la bronchiolite, dont une semaine aux urgences parce qu’on ne savait pas s’il fallait le mettre en réa. Il y a peu de places, donc il faut attendre vraiment le dernier moment. On m’a expliqué que ça allait être de pire en pire pendant quelques jours, jusqu’à atteindre un pic, et qu’ensuite ça allait redescendre. Je leur demandais tous les jours si mon bébé allait mourir.
Pendant tout ce temps, je ne voulais voir personne. Je me disais que tant que personne ne venait, ce n’était pas réel. C’était extrêmement difficile car mon mec devait bosser, il est indépendant donc s’il ne bosse pas, on n’a pas d’argent. Je restais toute la journée et toute la nuit à l’hôpital. J’étais si fatiguée que parfois je n’arrivais même plus à entendre mon bébé qui hurlait à côté de moi. Mon cerveau était sur pause. Un jour je me suis réveillée, et je n’ai pas vu mon bébé. Ce sont les infirmières qui l’avaient emmené dans leur bureau pour que je puisse dormir. Plus rien ne me réveillait.
Il y a eu ce fameux pic, j’ai vu tout le monde arriver dans la chambre, pour faire des radios etc. J’ai aussi vu le chef de la réanimation. Et c’était le jour où j’ai accepté qu’on vienne me voir, heureusement je n’étais pas toute seule. Et puis ça a fini par aller mieux.
J’ai commencé à découvrir mon bébé au bout de vingt jours, car avant cela il avait ses sondes pour se nourrir, il ne se réveillait quasiment pas. Il était en train de lutter. C’est après ça qu’il a commencé à me regarder, et moi j’étais toute timide, il m’impressionnait.
Le retour à la maison
Quand on est rentré à la maison, il était impossible de me séparer de lui. J’étais collé à mon bébé, il dormait sur moi. Je ne bougeais pas. Avant ça, avec tous les fils qu’il avait, je ne pouvais pas le prendre, il fallait que j’appelle une infirmière pour qu’elle le pose dans mes bras. Et je ne pouvais pas le garder longtemps car ça le fatiguait. Après le retour à la maison, je suis restée avec lui pendant onze mois. C’était mon bébé.
Pendant cette période, j’ai beaucoup pleuré. Je me prenais beaucoup de réflexion de jeunes mamans ou d’inconnus qui me demandaient mon âge, si c’était vraiment mon enfant. Ça allait du vigile à l’entrée d’un musée jusqu’à l’hôtesse de l’air dans l’avion. Les gens me tutoyaient, on me disait tout le temps que j’étais super jeune pour être maman. Un mec dans la rue un jour m’a dit de faire attention, une autre fois c’est un livreur devant ma porte qui m’a fait une remarque sur mon âge. Tout ça est arrivé pendant les 6 premiers mois, quand il était tout bébé.
Ensuite je ne sais pas si c’est moi qui ai réussi à me faire un masque où les gens n’osaient même plus me dire quoi que ce soit au sujet de mon âge ou de mon fils, ou si c’est parce qu’il a grandi et qu’on me voit plus agir avec lui, mais en tout cas ça s’est calmé.
Que les gens pensent que je ne suis pas accomplie professionnellement, que je n’ai pas assez profité, ou autre, ça m’a beaucoup blessée. Mais aujourd’hui c’est terminé, je sais que comme maman je suis au-dessus, que je gère très bien.
Conseils aux mamans « jeunes »
Pour moi c’est hyper important de se rapprocher d’autres mamans. J’ai perdu beaucoup d’amis de mon âge. J’ai toujours eu des amis un peu plus âgés mais j’ai quand même perdu des amis qui m’étaient hyper chers quand je suis devenue maman, car les gens ne comprennent pas. Le fait de me rapprocher d’autres mamans, peu importe leur âge, m’a aidé à prendre confiance en moi en tant que mère. Je les ai rencontrées via Instagram. Une de mes très bonnes amies, je l’ai rencontrée suite à une story où je racontais que je me sentais hyper seule. Elle a répondu, et depuis on est très proches.
Avec Instagram je n’avais jamais vraiment fait de rencontre comme ça. Mais quand tu deviens maman, tu entres vraiment dans quelque chose que personne ne peut comprendre sauf si t’es également dedans. Même si tu as été maman il y a dix ans, ça s’oublie un peu. Tu oublies certaines parties de l’accouchement par exemple, la douleur etc. Il faut être entouré de personnes qui comprennent ce que tu vis à l’instant T. Même avec ton chéri, lui ne vit pas la même chose que toi.
J’ai fait une fausse couche après Ishaq, et je lui disais qu’il ne pouvait pas comprendre ma douleur, parce qu’il n’a pas d’utérus. Ce qu’il se passe à l’intérieur de moi chimiquement, il ne peut pas le comprendre. Il n’a pas ces hormones là. Alors que quand tu interagis avec des personnes qui sont dans la même phase ou la même épreuve que toi, c’est facile de se comprendre.
Le Loma Club de Josepha, c’est aussi une pépite. C’est une grande richesse de parler à d’autres mamans et garder contact.
Se réapproprier son corps après l’accouchement
J’ai commencé par ne pas calculer mon corps. Je prenais une photo par mois, car je l’avais fait pendant ma grossesse aussi, mais je ne me regardais pas. 30 kilos en plus sur 1m60, c’est quand même conséquent. J’ai eu des problèmes de dos, des problèmes au pied. Mon corps m’a fait vraiment mal. Je suis passé d’un 85B à un 100 E pendant ma montée de lait.
Je me pesais une fois par mois, je notais, et je passais à autre chose. Ça ne pouvait que descendre dans tous les cas, il n’y avait rien de décourageant. Puis un jour je suis arrivée au poids qui me semblait bien, mais mon corps n’est toujours pas quelque chose qui me transcende.
J’ai eu un affaissement de la poitrine. Ce n’est pas les seins qui tombent, mais vraiment un affaissement de mes glandes. C'est une opération qui peut être remboursée en fonction de ta mammographie, des radios etc. Je pense que de savoir que c’est un affaissement, et que ce n’est pas juste ma poitrine qui est tombée, de savoir que ça arrive à d’autres femmes, qu’il y a quelque chose de clinique derrière, c’est ça aussi qui m’aide à l’accepter.
Pour l’instant je travaille encore sur mon corps, même si j’ai perdu tous mes kilos de grossesse. Par exemple, l'été dernier j’avais 10 kilos de plus, donc en ce moment je me redécouvre. Il faut ré-accepter. Pour certaines femmes c’est beaucoup plus rapide, tout se remet en place en quelques mois, pour d’autres c’est plus long.
J’ai perdu 30 kilos en 10 mois, mon corps est passé par plein de stades différents en très peu de temps. Ma poitrine changeait beaucoup, ma peau aussi. A chaque étape, il faut accepter. Et je sais que je ne suis toujours pas « finie », je suis encore en process sur mon corps.
Le mot de la fin
Mon amie Mathilde un jour m’a dit : « Les journées sont longues mais les années sont courtes ». Et ça, c’est vrai pour tout. Les journées sont très longues parfois mais finalement tout passe tellement vite."