Multitasking mama par Kitesy
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"Je m’appelle Kitesy Martin, j’ai 36 ans, je vis à Paris. Je suis la maman d’Indya qui a 18 mois et je vis avec mon mec Enzo, Indya et notre chat Yolo. Je suis entrepreneur, j’ai d’abord monté un concept de hip-hop yoga qui s’appelle Humble Warrior, puis une marque de bijoux responsable qui porte mon nom. Cette marque a deux ans et Humble Warrior ça fait maintenant 4 ans que ça existe. Je suis indépendante depuis maintenant 6 ans, parce qu’avant j’avais monté une autre marque de maroquinerie qui n’existe plus aujourd’hui. J’ai le sentiment que mon métier c’est d‘être entrepreneur avant d’être designer. Ma vraie voie, c’est ça.
Entrepreneuriat et maternité
J’ai le sentiment que c’est plus simple d’être entrepreneur avec un enfant en bas âge plutôt que d’être salariée en entreprise. J’ai été salariée pendant 9 ans avant ça, et je sais que ce n’est pas facile de partir du travail avant 18 heures, que ce n’est pas facile d’arriver au travail après 10 heures. Que ce n’est pas facile de caler des rendez-vous chez le médecin en journée, entre autres le pédiatre. L’avantage d’être entrepreneur c’est qu’il y a une grosse liberté dans l’emploi du temps, on travaille beaucoup mais il y a une vraie liberté. Et je trouve que c’est totalement adéquat à la vie de jeunes parents. Donc j’ai le sentiment que c’est beaucoup plus simple pour moi.
Le matin je me prépare une fois que j’ai déposée Indya à la crèche. Je la dépose à 8h45, je reviens ici, et là je me douche etc. Je suis tranquille pour me préparer. Je n’ai pas à me dépêcher pour nous préparer toutes les deux, pour ensuite la déposer, et prendre directement le métro.
Le congé maternité
En revanche le congé maternité, on oublie. J’ai donné des cours de yoga enceinte jusqu’à 8 mois et demi. J’avais donné un cours filmé avec l’équipe Nike, ils étaient assez étonnés et ne s’attendaient pas à ce que je sois autant enceinte (rires). Moi ça m’a beaucoup aidé le yoga durant cette période, c’était parfait de pouvoir continuer à pratiquer régulièrement. Après j’ai ralenti, j’ai moins donné de cours, je le faisais uniquement quand on ne pouvait pas faire autrement avec mon associée.
J’ai ralenti après le 7ème mois je crois, ce qui est quand même assez tardif. Mais pour le reste je bossais normalement jusqu’à la fin. C’est pour la reprise que ça a été plus compliqué. Une femme qui travaille dans une entreprise a son congé maternité qui se poursuit quand le bébé nait. Moi par exemple j’étais au téléphone avec Nike à la maternité pour une collaboration avec mes bijoux, et évidemment je ne pouvais pas dire non, la marque avait à peine 6 mois ! Quelqu’un de Nike s’est un peu permis de dire « non mais attend elle est enceinte, c’est compliqué », et j’étais un peu piquée parce qu’en fait c’était à moi de choisir si je voulais le faire ou pas.
Je venais tout juste d’accoucher et on devait faire un call pour parler de cette collab, et le matin même j’ai perdu les eaux. J’appelle la nana de Nike pour lui dire que je viens de perdre les eaux et qu’il faudra faire le call une autre fois (rires). Je lui ai quand même dit que pour moi ça tenait toujours, je ne voulais pas passer à côté de l’opportunité et de toute la visibilité que ça allait donner au projet. Donc j’accouche, ça se passe super bien, et le lendemain je crois, j’envoie un texto à mon contact pour lui dire « Si tu as besoin qu’on fasse ce call, aucun problème, là je suis à la maternité donc s’il y a un moment où je suis plus disposée à le faire c’est maintenant », puisque que les sages-femmes étaient là etc. Donc j’ai fait la réunion téléphonique dans les couloirs (rires). Dès que je suis revenue à la maison il a fallu enchainer, il fallait que ça se fasse.
S’organiser
Avec mon mec on a dû s’organiser, car comme il est athlète, il part tout le temps en voyage. On s’est dit que ce serait l’idéal qu’elle naisse vers fin juillet ou début août car pour lui c’est le moment où il n’a pas de compétition. Et on a eu de la chance, elle est arrivée le 3 août, ça s’est passé comme on le voulait. Enzo était en vacances, donc il a pris le relai. Le seul relai qu’il ne pouvait pas faire c’était l’allaitement, alors on s’est retrouvé dans des situations assez compliquées. Je ne dormais pas, et au début pour allaiter c’est l’anarchie, il n’y a pas de rythme. J’allaitais et en même temps je faisais des bijoux, c’était un délire !
Travailler avec un bébé en bas âge
Je travaillais quand elle dormait. De 8h à 3h du matin, je me disais « Là je travaille. ». Je faisais mes bijoux, ma meilleure amie venait m’aider, et puis Enzo aussi pour les boîtes etc. Mais bon elle avait 10 jours, un si petit bébé ça ne dort pas beaucoup d’heures d’affilées. Il n’y a pas de rythme. Tu ne sais pas quand c’est possible ou pas.
J’ai un mauvais souvenir qui me revient. Je me rendais chez un de mes fournisseurs pour récupérer des chaînes que Nike voulait d’une certaine couleur pour les mixer avec mes vintages – et heureusement que je vis à Paris et que les fournisseurs ne se trouvent pas loin – mais j’allaitais. Alors Enzo m’a proposé de m’accompagner avec la poussette pour que je puisse rentrer chez le fournisseur pendant que lui ferait des tours de poussette jusqu’à ce qu’elle ait besoin de moi. Il devait m’appeler à ce moment-là pour qu’on puisse aller dans un café et se poser pour que je puisse l’allaiter.
Je sentais la montée de lait et elle était dans la rue à côté, j’ai dû dire au fournisseur « Je reviens dans 5 minutes » pour aller m’installer dans un café. Le serveur en terrasse me regardait un peu de travers en me voyant installée juste pour allaiter mon bébé. Et je comprends un peu, parce que ça reste quelque chose d’intime qui peut désarçonner. Et hop j’ai rendu Indya à Enzo pour qu’il retourne faire un tour en poussette pour que je puisse terminer ma commande avec mes fournisseurs. Travail d’équipe, heureusement qu’il était en vacances !
Travail d’équipe
Je n’ai pas eu de vacances ni de repos, mais comme ma boite c’est un peu mon bébé aussi, je n’ai pas du tout ressenti le sacrifice. Au contraire, j’étais très heureuse, avec du recul je ne voudrais pas que ça se soit passé autrement.
J’ai des souvenirs où on a dû faire les photos des bijoux, et j’ai filmé tout ça, Indya est dans le transat à côté et je la berce du pied ou alors Enzo est là à s’en occuper. Ça nous a énormément soudé, on a monté ce projet ensemble. Ça nous a mis dans un bon rythme, dès qu’on avait un moment de libre on allait se promener avec elle. On n’était jamais dans une spirale d’inaction. C’est facile de se poser dès que tu peux mais au final tu perds un rythme. On a enchainé.
J’étais ravie quand elle a pu aller à la crèche vers 3 ou 4 mois. J’ai pu redescendre, m’accorder des jours libres.
La pratique du yoga en post-partum
Je n’ai pas aimé du tout la grossesse, donc le yoga m’a vraiment aidé pendant cette période car c’est le seul moment où je sentais mon corps comme avant. Après l’accouchement j’avais hâte de pouvoir pratiquer de nouveau et de pouvoir refaire du yoga de la façon dont je le pratiquais avant. Car il y a plein de postures que tu ne peux pas faire, qui sont dangereuses pour le bébé, il ne faut pas engager trop les abdos etc. J’ai des vidéos de moi, Enzo me filmait, avec Indya posée sur le tapis quand elle avait un mois.
J’ai attendu 3 semaines avant de reprendre car je savais que ce n’était pas bon avant. Sur les vidéos je pratique avec Indya un peu au-dessus d’elle, c’était trop bien. Je descendais en pompe, je lui faisais un petit bisou, et je reprenais, chien tête en haut, chien tête en bas. Ça la faisait rire, c’était ses premiers sourires. Enzo lui avait peur que je l’écrase (rires). Ça m’a fait beaucoup de bien.
Mon conseil, c’est de s’écouter. Au début j’avais envie de reprendre, mais je sentais bien que mon corps ne pouvait pas suivre. A un moment j’ai senti que mes abdos revenaient un tout petit peu. Je faisais des choses très douces, ou parfois seulement de la méditation. Je la mettais à côté de moi, et j’ouvrais un œil de temps en temps pour la regarder gazouiller. Quand ils sont tous petits, ils ne bougent pas, il n’y a pas de danger. C’est là que c’était le plus simple pour continuer la pratique. Quand ils commencent à marcher dans tous les sens, c’est une autre histoire !
Pendant la grossesse j’ai pris 13 kilos, je ne me sentais pas trop lourde pour la reprise. J’ai perdu mon poids assez vite et mon corps est redevenu à peu près comme avant au bout d’un an.
Mettre en place une nouvelle organisation
Les journées sont beaucoup plus courtes. Elles filent à vive allure. Au niveau de mon organisation, j’ai mes stagiaires à la maison deux jours par semaine. Ces deux jours-là, c’est des jours où rien d’autre ne se passe à part le travail sur les bijoux. A la fois c’est un inconvénient parce que ça m’empêche d’avancer sur d’autres choses en cours, mais en même temps c’est très bien car ça m’oblige à être focus.
Globalement toutes journées d’entrepreneur commencent vers 10 heures, je dépose Indya à la crèche vers 9 heures, je rentre me préparer, à 10 heures je suis à mon bureau. Je démarre par une « To do ». Je regarde ce qu’il y a à faire aujourd’hui et dans la semaine etc.
Quand je ne suis pas avec mes stagiaires j’ai souvent des petits rendez-vous qui se calent comme aujourd’hui. Vers 16 heures, tu te dis : « Mince, il ne me reste qu’une heure trente ». C’est chaud. Mais ce n’est pas plus mal. Pour avoir connue la vie en entreprise, il y a quand même beaucoup de moments de pause. Les pauses café, clopes, procrastination etc. Là, il n’y a pas tout ça !
Et toutes les réunions qu’on peut faire au téléphone en deux minutes mais qui sont interminables en entreprise ! Tu n’es plus déconcentrée comme quand tu travailles en open space, tu sais ce collègue qui vient te déranger pour te montrer des vidéos de chat (rires). Certes tes journées passent plus vite, mais tu es beaucoup plus efficace. Je fais beaucoup plus de choses entre 10 heures et17 heures qu’avant, quand j’étais en entreprise.
Par rapport à avant, c’est différent. Ma journée s’arrête tôt. Je vais la chercher, et une fois qu’elle est avec moi à partir de 17 heures 30 et jusqu’à ce qu’elle dorme, je ne suis qu’avec elle. Je me suis rendu compte que ça ne fonctionne pas pour moi d’essayer de répondre à un mail alors qu’Indya est à côté. Même envoyer un texto est compliqué.
Donc ça, j’ai lâché l’affaire. J’utilise mon téléphone seulement pour la filmer ou garder des souvenirs mais j’essaie de ne plus être sur mon travail. Quand elle dort, vers 19 heures 30 ou 20 heures, je mange et hop, je me remets à travailler. Surtout quand je suis en période de création de collection, j’aime bien travailler toute seule, tranquille. Je déplie le bureau et je travaille avec Enzo qui est à côté à faire sa vie, et moi je fais mes collections jusqu’à 23 heures.
Le processus créatif
En ce qui concerne ma méthode de travail pour créer une collection, comme c’est de l’upcycling, le point de départ c’est les vintages que je chine. Par exemple, dans ce que j’aurais trouvé il y aura des pampilles de cristal et je me demande comment je pourrais mêler ça à un thème. La dernière fois c’est ce que j’ai fait, ça m’a fait penser à Marie-Antoinette que je trouve assez fascinante. C’est un mix de départ vintage et d’inspirations.
J’ai un moodboard, j’étale tous les vintages qui correspondent à ce moodboard, et puis ensuite j’ai les achats chez les fournisseurs parce que je mélange avec du neuf. Ensuite, je suis sur ma table et j’enchaine.
Une fois que j’ai tout sous les yeux, c’est-à-dire le moodboard, les vintages et les neufs, ça va très vite. Tout le monde me demande combien de temps je mets pour faire un collier. Honnêtement c’est très rapide, ça me prend 30 minutes, mais ce n’est pas ça qui est important. C’est tout ce qui est avant qui fait que le collier fonctionne aujourd’hui.
L’utilisation des réseaux sociaux
Premièrement il y a le fait de ne pas montrer le visage d’Indya. Même si on montre un peu notre vie de famille ou des bribes, c’est surtout suggéré. Cacher Indya c’est vraiment important pour nous, je ne voulais pas que les gens aient l’impression qu’ils la connaissaient trop et qu’ils se permettent de donner des conseils.
J’ai eu deux ou trois mamans qui se sont permis de donner des conseils, des personnes qui me suivent. Une maman voyait la tétine d’Indya sur une story qui apparaissait tous les deux jours, c’est-à-dire 5 secondes de la vie d’Indya quoi. Elle s’est permise de me dire que ce n’était pas bien, qu’il fallait lui enlever. On sait ce qui est bien ou pas bien, on n’a pas besoin de l’avis des autres. Alors je l’ai carrément envoyé bouler, je lui ai laissé un message vocal en lui expliquant que ce genre de commentaires c’était non, que ce n’était que 5 secondes de la vie de ma fille, qu’elle ne pouvait donc pas savoir combien de temps elle passait avec la tétine dans la bouche. Et quand bien même, et même si on avait été amie, je ne l’autoriserais jamais à faire ce genre de remarque. Et je l’ai bloqué, c’était radical. Les conseils d’inconnus arrivent trop facilement sur les réseaux sociaux, donc le premier point c’est vraiment de cacher Indya.
Le deuxième point c’est que pour moi Instagram est un formidable outil de communication. Sans ça, c’est clair que la marque n’aurait jamais rebondi de cette façon. Ma vie d’entrepreneur, c’est aussi quelque chose qui nourrit la marque. Je vois mon Instagram perso comme quelque chose qui nourrit mon Instagram pro. Aujourd’hui, j’ai du chiffre d’affaire qui vient de mon Instagram pro, mais aussi de mon Instagram perso. Finalement, à long terme, je vois Kitesy Martin comme quelque chose d’entier, et les deux sont en train de grimper en simultané. Mon discours sur la mode responsable résonne sur l’un et l’autre. Ça s’imbrique.
Maintenant j’ai une stagiaire pour le pro et une stagiaire pour le perso. Pour le perso, elle commence bientôt et on va créer du contenu qui parle de ma vie d’entrepreneur et de mode responsable, mais plus de mon point de vue personnel. Et mon autre stagiaire pour les bijoux va créer du contenu pour les bijoux, pour les drops. Et tout ça va créer du chiffre d’affaire, ça va me permettre d’être plus libre, de ne pas mettre tous mes œufs dans le même panier, de ne pas paniquer parce que je n’ai pas vendu assez de bijoux. Et il y’a Humble Warrior à côté, mais j’ai une associée donc c’est beaucoup plus simple au quotidien.
Le yoga prénatal
Je me suis formée au yoga prénatal dès que j’ai su qu’on voulait faire un bébé. Je suis une vraie passionnée de yoga, j’ai trop peur de ne pas pouvoir pratiquer comme j’aime le pratiquer, je veux savoir quelles sont mes limites quand je suis enceinte, ce que j’ai le droit de faire et de ne pas faire.
Je me suis inscrite à la formation De Gasquet, j’ai été formée par Bernadette qui est une femme incroyable. Heureusement que j’avais fait une formation de yoga très traditionnelle parce qu’en fait Bernadette elle une approche très kinésithérapeute, très docteur. Il n’y a pas du tout de spiritualité dans son yoga, c’est biologique et médical. Ça m’a aussi fait comprendre comment je voulais accoucher après etc.
Quand j’étais enceinte et que je continuais à donner des cours pour Humble Warrior, j’ai essayé tous les cours de yoga prénatal en tant que prof pour comprendre comment ça fonctionnait, et je m’ennuyais à mourir ! Et je me suis dit qu’il n’y avait pas de cours de yoga prénatal pour les filles comme moi, qui aiment le yoga dynamique. Et si je pensais cela, je ne pouvais pas être la seule, ce n’est pas possible.
Avec mon associé on a créé Baby Humble, du yoga prénatal version Humble Warrior. Franchement ça a plu, le seul problème c’est que les femmes enceintes, et je les comprends parce que j’étais pareil, elles annulent à la dernière minute. Un jour tu as envie de vomir, ou pour les jeunes mamans avec le bébé ça peut ne pas être le bon moment au final. C’est hyper dur pour les femmes enceintes et les jeunes mamans de créer un rendez-vous précis.
Donc ce n’était pas rentable. Juste un cours par semaine, avec 6 élèves, ce n’est pas rentable. Il faut plus de cours. On s’est dit qu’il fallait trouver la bonne formule. On a essayé rapidement par vidéo conférence, ce n’était pas encore ça. Là on est en train de créer une nouvelle formule. On va créer des cours en ligne avec un abonnement, et tu fais tes cours quand tu veux. Je n’en veux absolument pas à ces femmes qui annulent à la dernière minute, j’ai été dans leur cas. Je sais qu’il y a des jours où tu n’as pas envie de faire du yoga, tu ne peux pas, le bébé n’est pas disponible etc.
En tout cas il y a plusieurs options : soit tu paies ton abonnement mensuel où tu as accès à tous les cours Humble Warrior, soit tu paies une seule vidéo et elle est à toi et tu l’as tout le temps dans ton téléphone.
Le meilleur conseil reçu
Le meilleur conseil que j’ai reçu vient d’un homme, un très bon ami à moi qui a eu trois enfants. Il m’a dit « N’écoute personne, c’est toi qui sais. Personne ne sait mieux que toi » et il a raison !"