Comment je suis devenue mère par Judith

Temps de lecture 10min. 

 « Je suis Judith, j’ai 29 ans, j’ai une petite fille de bientôt 8 mois et je suis fondatrice de MÊME.

Mon désir de maternité est arrivé beaucoup plus tôt, après le décès de ma maman. Vers la fin de l’adolescence, entre 20 et 22 ans, je me disais que cette relation me manquait beaucoup, et que le seul moyen de retrouver ce lien mère-fille, ce serait que je devienne maman à mon tour.

 

Le projet de grossesse 

Lorsque j’étais avec mon ex, et on n’avait pas du tout l’âge pour ça, au fond de moi j’avais déjà sincèrement l’impression que j’étais prête. Je savais très bien que c’était beaucoup trop tôt et que ça n’allait pas avec mes schémas et mes projets de vie, mais j’avais l’impression que ça allait être la réponse à mon problème.

En tout cas ça vient de là. J’en ai toujours eu envie, et je ne m’étais jamais imaginée sans enfants, mais j’y avais déjà vraiment réfléchi une première fois hyper jeune. Et puis les années ont passé et j’ai repris mon schéma normal et raisonnable, et je me suis un peu tempérée là-dessus. Et puis surtout j’ai rencontré Thibaud, et on a mis pas mal de temps avant que les choses ne se mettent en place.

Et ensuite il y a eu MÊME, qui a été mon premier vrai bébé pour le coup, et qui m’a aussi mise dans un schéma de vie, à l’époque où je l’ai monté, incompatible avec la maternité.

Puis Simon et Gisèle, mon neveu et ma nièce, sont arrivés dans ma vie. Ça m’a fait passer à la génération « adulte », je suis la tante de ces deux petits bébés, et cela m’a projeté dans un tout autre rôle, une autre dimension. Tu n’es plus l’enfant, tu es un adulte aux yeux de quelqu’un. Tout cela a fait que petit à petit j’y ai de plus en plus pensé et j’ai aussi constaté que j’étais hyper à l’aise avec les bébés. C’était vraiment naturel pour moi, ce que je n’avais pas du tout anticipé puisque je n’avais pas vraiment eu d’expérience avant Simon et Gisèle. Ces bébés étaient très importants pour moi, il s’est vraiment passé quelque chose dans ma vie et avec cette envie, au fond de moi, de vouloir et savoir m’en occuper.

Un peu plus tard Thibaud m’a demandé en mariage à Londres, « best day ever », c’était super !  À ce moment-là je me suis dit : « tout va très bien, tout va dans le bon sens, je n’ai pas envie d’avoir un bébé avant le mariage ». Plutôt pour des raisons très bêtes comme celle d’avoir envie d’entrer dans ma robe. Et puis tant qu’on y était, autant faire les choses dans l’ordre. J’avais déjà tellement travaillé Thibaud au corps pour le mariage que je n’allais pas directement passer au sujet bébé en 24h (rires) !

"J’avais touché du doigt la maternité pendant quelques jours et je me sentais prête, tout a un peu été dédramatisé."

Puis ma cousine a eu son deuxième bébé Solal. Quelques semaines après, en août, je suis partie en vacances avec elle et ses enfants. Thibaud était resté à Paris car il travaillait. Et là, il s’est vraiment passé un truc.

Solal était tout petit, j’ai vraiment passé beaucoup de temps avec lui, pendant plusieurs jours.

Quand on parlait d’enfant avec Thibaud, il me répondait qu’avoir un bébé était une vraie charge, et je lui répondais toujours « mais non » sans vraiment savoir. Certes je passe du temps avec des bébés le soir en semaine, ou en week-end, mais qu’est-ce que c’est en fait, d’en avoir un, vraiment ?

Et donc en passant tout ce temps avec Solal, j’ai eu le sentiment d’avoir la chance de l’expérimenter. Ma cousine m’a laissé beaucoup de place. Le bébé avait deux mois et elle a profité de ma présence et du fait qu’elle avait confiance en moi pour me laisser connecter avec lui.

Dans le train du retour, je me suis dit : « en fait j’en veux un là, maintenant ». J’avais l’impression qu’on m’avait arraché quelque chose. J’avais touché du doigt la maternité pendant quelques jours et je me sentais prête, tout a un peu été dédramatisé. J’arrivais à le calmer, à le comprendre. Je me suis dit : « je sais faire, je suis prête ».

Je suis rentrée à Paris, j’ai fait mes affaires et je suis allé chercher Thibaud pour partir à Granville. Pendant les trois heures de train, j’ai sorti ma dissertation en quinze points. Au début du trajet, Thibaud me disait : « Non, calme-toi, on est mariés depuis six semaines, ne me relance pas tout de suite dans autre chose », et à la fin il a répondu : « ok, on peut commencer à essayer ».

Sachant que mon argument principal pour le faire accepter c’était celui du temps : en moyenne, tomber enceinte prend six à douze mois, voire plus. Et je ne sais pas pour quelle raison, mais on était persuadés qu’on allait avoir un problème de stérilité. Alors j’ai expliqué à Thibaud que s’il fallait attendre longtemps, alors autant démarrer maintenant parce que j’en avais vraiment envie.

 

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Mais finalement, ça a marché tout de suite ! Je me suis sentie extrêmement chanceuse. En fait au moment où Thibaud m’a dit « ok », ça a été comme un raz de marée. Je me suis mise en mode « machine de guerre » en dix minutes : applications, calculs, lectures etc…

Je ne pensais qu’à ça.

Une fois que la phase théorique de fertilité est passée, il y a eu la phase d’attente. Quinze jours en gros, avant mes règles ou pas. J’ai compris ce que ça pouvait potentiellement représenter pour ces femmes qui expliquent que ça a été très difficile et très long.

"La veille ou l’avant-veille du jour où j’ai appris ma grossesse, je me suis réveillée en me disant : ça y est, je suis enceinte !"

Pour moi cela n’a pris que quinze jours mais ils ont été invivables. Je ne pensais qu’à ça toute la journée, si j’avais mal au ventre je me disais « Ah ! C’est peut-être ça » puis « Mais non je somatise parce que je suis complètement obsédée par ça ».  A partir du moment où tu switches dans ta tête pour ce projet de maternité, ça devient vraiment envahissant. J’allais toute la journée sur mon appli, je revérifiais les dates sans arrêt. Une folle quoi.

Je commençais à me dire que j’allais faire des tests de grossesse deux jours avant mes règles théoriques, j’ai dû me forcer à tenir jusqu’au jour J pour ne pas devenir folle.

 

L'annonce de la grossesse

La veille ou l’avant-veille du jour où j’ai appris ma grossesse, au moment de m’endormir je me suis réveillée en me disant « ça y est, je suis enceinte ». Je l’ai senti. Sur le coup, j’ai eu du mal à le croire mais je sais qu’il s’est passé un truc.

Donc le lendemain, ou le surlendemain, j’ai décidé de faire le test en me réveillant. Thibaud, lui, était déjà parti au sport. Je tentais de me convaincre que si ça ne marchait pas, ce n’était pas grave, puisque c’était le premier essai. Tout en voyant le test devenir progressivement positif. Je me souviens regarder le test deux cents fois, j’avais du mal à croire le résultat, j’ai relu la notice plusieurs fois. Dans les indications, il y avait écrit de laisser cinq minutes au test pour avoir le résultat définitif, donc j’ai décidé de le laisser et de prendre ma douche en attendant.

C’est vraiment sous la douche que j’ai réalisé ce qui était en train de se passer. Je rigolais toute seule. En sortant, le test était totalement positif. J’étais surexcitée, et j’avais le cœur qui battait à mille à l’heure. J’avais aussi un peu peur, j’étais prête à accepter et à enchainer mais c’était tout de même assez fou.

Pour l’annoncer à Thibaud, je me suis quand même dit que ça n’arrivait qu’une fois dans une vie et qu’il ne fallait pas que je fasse comme d’habitude, à savoir l’appeler immédiatement par exemple ! Je voulais attendre le soir pour lui en parler à son retour. Je sentais les minutes passer, je ne pouvais pas attendre et garder ça pour moi ! Alors j’ai écrit à Thibaud : « Tu fais quoi ? T’es où là ? J’aurais besoin que tu rentres. » Il était 8h30 le matin, il m’a répondu en me disant : « Pourquoi, t’es enceinte ? haha ». Et j’ai seulement répondu « oui !! ». L’annonce la plus pourrie du monde, tant pis pour le spectacle.

Il venait juste d’arriver au travail, il est sorti et il m’a appelé hyper ému, on a pleuré au téléphone. Et finalement c’était cool parce qu’on a eu la même réaction à cinq minutes d’intervalle.

Et puis je suis allée au bureau, et je l’ai annoncé directement à mon associée Juliette. Vraiment, impossible de garder ça pour moi. J’étais en bas et je lui ai demandé de descendre. Je m’étais toujours dit que de toute façon Juliette serait tout de suite au courant. Juliette c’est mon deuxième Thibaud. Elle est dans ma vie autant que mon mec donc je ne me voyais pas ne pas lui dire. On partage tout.

En revanche je ne lui avais pas dit qu’on avait commencé à essayer, je n’avais pas envie de parler d’organisation chez MÊME avant même d’être enceinte. Donc je lui ai annoncé la nouvelle de but en blanc sans l’avoir vraiment préparée. Mais ça me paraissait inenvisageable de passer 48h au boulot avec elle et cette nouvelle juste pour moi. Elle était vraiment contente, c’était super. Voilà pour le début de la grossesse.

 

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La grossesse

Les premiers mois ont été plus difficiles que ce que j’avais imaginé.

Ma mère n’avait pas eu de nausées, en tout cas elle ne m’en avait jamais parlé, et je m’étais toujours dit que ce n’était pas un truc de famille. Je pensais que certaines femmes étaient concernées, d’autres moins, et je m’étais dit que moi je n’en aurais pas, que je n’allais pas être concernée.

Alors qu’en fait … j’ai eu les nausées, plus la déprime. Mais en étant très rationnelle car je lisais tout, j’étais très informée sur le sujet. Tout en sachant que c’était tout à fait normal, je ne pouvais pas m’empêcher de me demander pourquoi j’étais aussi mal. J’avais l’impression que quelque chose clochait. Je me disais : « Alors c’est ça ma vie maintenant ? Ma fille va arriver et je ne serais plus la même personne ! Je ne serais plus jamais aussi heureuse qu’avant ! ». J’avais associé mon état au fait d’avoir un enfant.

"Je ne me suis pas particulièrement plu enceinte."

 Une fois le premier trimestre passé, alors même qu’on m’avait prévenu en me disant qu’ensuite tout se passerait bien, j’ai enchainé avec une douleur très forte au niveau des côtes. Il n’y a aucun moment finalement où j’ai vraiment aimé ma grossesse car il n’y a eu aucun moment où j’étais vraiment bien, mis à part une ou deux semaines.

Quand tu as mal tous les jours, c’est vraiment difficile. A ce moment-là, je pensais à nos clientes chez MÊME, qui elles ont mal tout le temps, pour une raison qui n’a rien à voir. Je me disais : « je porte la vie, la finalité est bien, je le fais pour quelque chose ». Je comprenais mieux ce que ça faisait de vivre avec une douleur quotidienne. J’étais irritable à cause de ça, j’étais mal, ça m’a permis de me rendre compte de ce genre de choses. Moralement du jour au lendemain les couleurs sont revenues. J’ai eu quelques épisodes de stress mais moins que ce que j’avais imaginé. Et c’est toujours le cas aujourd’hui, je me surprends chaque jour à ce niveau-là.

J’ai globalement énormément de stress et de peurs : Thibaud appréhendait beaucoup la manière dont j’allais être mère. Moi j’ai eu une mère très angoissée, et je m’imaginais beaucoup être la mère que j’avais eu. Je pensais que j’allais être une mère stressée, qui crie tout le temps, qui a peur de tout, même de traverser la route ! Et bizarrement, en dehors du premier trimestre, et surtout jusqu’à ce que mon bébé commence à bouger, plus de stress. A partir de là, tout était différent. Ça n’avait rien à voir.

C’est vraiment au début, lorsqu’elle ne bougeait pas encore, que je me disais que je ne me sentais pas enceinte. Clairement j’avais peur de la fausse couche. J’ai eu ce bonheur incroyable de tomber enceinte très vite, et quelque chose au fond de moi me disait que c’était un peu trop beau.

Et puis je ne savais pas si je pouvais garder un bébé en moi à ce moment-là. Certes j’ai eu des facilités à tomber enceinte mais ça ne veut pas dire que tout le reste de la grossesse allait forcément bien se passer.

Les premiers mois, j’étais tellement mal et malade que je n’ai pas vraiment apprécié cet état. J’avais surtout envie que ça aille vite, que ça avance, et j’étais finalement plus concentrée sur le fait d’aller mieux que sur mes peurs ou sur mes angoisses.

La première échographie est aussi un moment stressant, je trouve. Et pourtant ma gynéco était géniale, mais les moments de silence où elle doit être concentrée pour écouter le cœur, pour mesurer la taille de la nuque par exemple c’est vraiment angoissant. A ce moment-là, je n’étais plus du tout prête à faire le deuil de cette potentielle maternité si ça se passait mal. C’était déjà beaucoup trop grave. Et je crois que déjà, dès les premières semaines, ça aurait été vraiment difficile.

Souvent on minimise un peu ces événements. Mais en fait quand tu es dedans, même à trois semaines il y a un deuil à faire. Évidemment c’est bien pire à 6 mois de grossesse, mais je sais que je n’aurais pas aimé en passer par là.

 

La prise de poids 

Je me souviens aussi avoir eu une autre obsession au début, au sujet de ma prise de poids. J’ai pris tout de suite du poids. Sur la durée de la grossesse j’en ai pris de manière « normale ». Mais j’ai pris beaucoup au premier trimestre, et je lisais beaucoup d’articles qui expliquaient qu’en temps normal, les premières semaines, on avait plutôt tendance à en perdre. Donc au début je me disais un peu : « Mon dieu mais comment je vais finir ? ».

Je me souviens que ma mère disait souvent avoir pris quelques kilos depuis ses grossesses, donc pour moi c’était aussi génétique, et donc adieu mon corps d’avant. J’y pensais beaucoup.

Je ne me plaisais pas, je ne me suis pas particulièrement plu enceinte. J’en parlais encore ce matin avec une de mes collègues, j’ai toujours trouvé la grossesse magnifique chez les autres. Mais moi, j’ai compris ces filles qui ne se sentent pas belles enceintes alors même que tout le monde autour pense l’inverse.

En revanche, plus mon ventre grossissait plus ça allait parce qu’au moins physiquement je me sentais différente, vraiment enceinte.  Les premiers mois, quand tu as seulement un peu de ventre, seulement quelques kilos en plus, tu te sens toute gonflée jusqu’aux seins, et ça je n’ai pas du tout aimé.

 

"Je crois que je ne me suis pas assez préparée à ce que l’accouchement ne se passe pas comme je le voulais."

 

L'accouchement

Au sujet de l’accouchement, je me souviens que dès le début de la grossesse, je me suis dit qu’il n’y avait de toute façon plus qu’une issue. L’accouchement c’est forcément le « next step ». J’en avais un peu peur mais pas trop non plus. Bien sûr, tu sais que ça va faire mal mais c’était une source d’inquiétude modérée.

Plus ça allait, avec les étapes de la grossesse qui se passait bien, plus je perdais cette angoisse de « quelque chose va mal se passer ». J’avais une grossesse normale, je me sentais dans la normalité, les échos se passaient bien. Et c’est bête parce que même pendant les cours d’accouchement que je faisais par visio, quand la prof parlait des cas extrêmes, j’étais attentive tout en étant persuadée que ça n’allait pas m’arriver.

Je crois que je ne me suis pas assez préparée à ce que l’accouchement ne se passe pas comme je le voulais. Et pourtant, rétrospectivement, quand j’écoute des podcasts comme Bliss, je me rends compte qu’on m’en a parlé mille fois de ces sujets, que j’avais accès à l’information. Je l’ai lue, je l’ai entendue, mais je n’ai pas fait le travail d’intégrer ce que je pouvais potentiellement vivre.

Pendant l’accouchement, c’était vraiment la peur et la douleur que j’ai trouvé insupportables, j’ai cru que j’allais mourir ! A un moment j’ai vraiment perdu pied, mais heureusement je suis tombée sur une sage-femme géniale qui m’a signalé un peu sèchement qu’il fallait « redescendre maintenant ! » Elle ne m’a pas laissé le choix en me disant qu’il fallait vraiment que je me calme, que je n’allais pas mourir. J’avais vraiment besoin de ça à ce moment-là, et elle le savait. Ce mélange de douleur et de panique, ça ne m’était jamais arrivé.

Tout le monde était masqué. Je ne me rappelle pas du visage de mes sages-femmes, je ne les reconnaitrais jamais, et je pense que ça a joué un peu, au moment où j’avais besoin de me raccrocher à quelque chose. Heureusement, Thibaud a pu être là pour l’accouchement malgré le Covid et toutes les restrictions sanitaires mises en place.

Ce qu’il s’est passé aussi c’est qu’on m’a laissé avoir tellement mal et pendant tellement longtemps, que lorsqu’on m’a fait une deuxième péridurale, et que celle-ci a fini par marcher, je n’étais plus capable de supporter aucune douleur.

Cette péridurale m’a donné le sentiment d’être complètement « out » et de passer complètement à côté de mon accouchement. Je n’étais plus moi-même. La naissance de ma fille était incroyable et je m’en rappellerais toute ma vie, mais quelques heures après en salle de naissance, j’étais shootée.

"D’ailleurs, quand j’ai su que c’était une fille, je me suis dit que c’était un cadeau du ciel. J’allais avoir la chance d’avoir exactement ce que j’avais perdu avec ma mère"

Quelques jours j’étais vraiment en boucle sur le sujet :  je demandais autour de moi pourquoi on ne m’avait pas prévenu que ça pouvait se passer aussi différemment de ce que j’avais anticipé.

Maintenant quand j’y repense, je me demande ce que j’aurais voulu qu’on me dise ? Je n’aurais pas non plus aimé qu’on me parle de l’accouchement et de la douleur physique de manière trop crue…

On m’a aussi souvent demandé si le fait d’avoir le ventre vide ne me faisait pas bizarre. Mais la grossesse m’a paru tellement longue, et ça a été une telle aventure pour que mon bébé sorte, que l’arrivée de ma fille ne m’a pas paru soudaine.

D’ailleurs, quand j’ai su que c’était une fille pendant la grossesse, je me suis dit que c’était un cadeau du ciel. J’allais avoir la chance d’avoir exactement ce que j’avais perdu avec ma mère, et en plus elle allait être l’ainée, comme moi. Je me disais que j’allais vraiment pouvoir avoir ce même lien !

Et en fait je pense à ma mère tous les jours de ma vie quand je me mets dans le rôle de maman avec mon bébé. Clairement je l’entends en moi, je sais que mon inconscient fait en sorte que je sois de la même manière qu’elle a été là pour moi. Mais en même temps j’ai aussi les idées très claires sur ce qu’elle a, à mes yeux, moins bien fait, et notamment sur le passage du stress.

Bizarrement ce fameux stress et ces fameuses angoisses sont un peu revenues à la toute fin de ma grossesse. Les dernières nuits je dormais très mal et je me réveillais avec la peur d’avoir peur. Je me disais en boucle : « Dans quelques jours, ou demain potentiellement, elle va être dans le berceau à côté de moi, et je ne pourrais plus jamais dormir, c’est impossible. Je vais écouter sa respiration tout le temps. ». Donc à la fois j’étais hyper pressée qu’elle sorte parce que je n’en pouvais plus, et en même temps au moins à l’intérieur de moi elle était protégée.

 

Devenir mère 

Mais après son arrivée, ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Je ne sais pas l’expliquer, on l’a mise sur moi, et tout était normal. Je n’ai pas eu peur. Bien sûr ça arrive de temps en temps, mais ça reste marginal. La première nuit quand elle s’est endormie, j’ai dormi aussi.

J’étais excitée, émerveillée, et je ne me suis pas dit qu’elle allait arrêter de respirer. Bien sûr parfois j’allais vérifier mais je m’étais vraiment dit que ce serait insupportable, que j’allais avoir besoin tout le temps de me rassurer. Mais elle est née et j’ai eu confiance. Elle m’a paru solide. J’ai eu un rappel à l’ordre quand on a dû aller une fois aux urgences, elle restait une petite chose fragile mais j’imaginais que je la trouverais beaucoup plus fragile que ça. Quand je vois les photos d’elle quelques mois plus tard, je me rends compte à quel point elle était minuscule, et on se demande souvent avec Thibaud comment on a pu être si à l’aise alors qu’elle était si petite.

Si demain j’ai un autre bébé qui me parait plus fragile, je le sentirais aussi. Mon instinct maternel me dit pour l’instant qu’elle est bien, qu’elle est solide et j’espère que ça durera. Je pense que j’y ai suffisamment réfléchi avant pour me faire confiance maintenant. J’ai intégré ce que j’aimerais être comme mère idéalement, et je me fais confiance. Je suis inconsciemment ces « guidelines » que je me suis données.

Il y a plein de moments bien sûr où je me mets à paniquer, où Thibaud me dit que je n’aurais pas dû réagir comme ça. Par exemple la semaine dernière, elle s’est un peu étouffée avec sa purée de carottes, et j’ai eu l’impression qu’elle devenait un peu violette et tout de suite je me suis levée, je l’ai prise et je n’ai pas réussi à être parfaitement calme. Mais c’est marginal, ce n’est pas toutes les minutes.

Et d’ailleurs, les quelques fois où on était un peu plus stressés, elle était mal. J’ai vraiment senti que c’était une éponge à tout ça. Par exemple quand je l’ai dans mes bras et qu’elle sent que j’ai eu peur, que j’ai sursauté, elle est mal. Les bébés nous font vraiment confiance, et nos émotions deviennent les leurs.

Je pense qu’en tant que parent, tu es obligé de faire cet effort de filtre, de tempérer un peu, et ce n’est pas toujours facile.

 

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La vie professionnelle 

Du point de vue de ma vie professionnelle, je savais que j’allais vouloir avoir un bébé, que je ne le voulais pas très vieille, que je n’allais pas attendre que MÊME soit derrière moi, si tant est que ça soit un jour derrière moi (rires), je savais que de toute façon il fallait que je trouve une solution parce que ça se passerait comme ça. D’ailleurs c’est notre vision générale avec Juliette : on a aucune envie que notre travail chez MÊME nous empêche de vivre des choses importantes dans notre vie personnelle. Pour nous, comme pour nos collègues d’ailleurs.

"Mon associée Juliette a été aussi extrêmement importante pour moi pendant toute la grossesse."

D’ailleurs on essaie de mettre en place des choses qui nous paraissent normales d’un point de vue RH. Par exemple on a rallongé le congé paternité. Et maintenant que je l’ai vécu, je suis encore plus convaincue du fait que c’est très très important. On avait mis en place le fait qu’une collègue puisse tirer son lait au bureau.

Mon associée Juliette a été aussi extrêmement importante pour moi pendant toute la grossesse : alors que je m’approchais d’un congé maternité qui devait commencer mi-avril, il y a eu le coronavirus, et ça a été très dur. Je me disais que je ne pouvais pas lâcher le bateau parce qu’il fallait qu’on sauve notre boîte, qu’on fasse tout ce qu’on pouvait. Et pourtant j’avais vraiment besoin de cette coupure et de me recentrer pendant un temps, pour pouvoir revenir à fond et dans les meilleures dispositions chez MÊME.

J’ai assez mal vécu cette période, car ça ne s’est pas passé comme prévu. On bossait pas mal pendant le confinement, et j’avais l’impression que c’était un peu injuste. A ce moment-là j’aurais aimé être employée, dans une boite où je ne devais rien à personne. Mais c’était aussi normal que j’assume ça, c’est un choix que j’ai fait de ne pas être employée quelque part. Et surtout, impossible de laisser Juliette toute seule à ce moment-là !

Petit à petit, après le 1er mai, j’ai pu lâcher tout l’opérationnel. Je n’étais là que pour les urgences. Juliette a été génialissime parce qu’elle a vraiment fait tout ce qui était en son possible. Du 1er mai jusqu’à la fin de mon congé maternité, elle a tout fait pour me protéger d’un maximum de choses, et elle ne m’a sollicité que quand elle en avait vraiment besoin.

Mais mine de rien ça a quand même été un peu intense. Par exemple on cherchait des gens à recruter, et mon dernier entretien en visio je l’ai fait le 18 mai à 15h, c’est noté dans mon agenda, et j’ai perdu les eaux à 19h. En soi, je me dis que ce n’est pas grave, que ça ne m’a rien enlevé, mais tout de même, je n’ai pas eu de véritable pause.

Et je pense que la brutalité de cet accouchement, je l’ai aussi vécu comme ça parce je n’ai pas eu le temps de changer de mode et d’accueillir l’accouchement. Ce congé maternité, il n’est pas là pour rien. Après l’avoir vécu, que ce soit l’avant ou l’après, je suis convaincue qu’il est vraiment nécessaire.

Au début, je disais à Juliette que tant que ma fille était dans mon ventre, je n’avais pas besoin de m’arrêter de bosser, que je pouvais très bien lire mes mails allongée. Mais en fait, il y a un moment dans la grossesse où ça switch, et tu passes en mode « c’est pour bientôt ».  Tu ne peux plus accueillir de charge mentale, c’est trop. Et même si en soi il ne se passe rien, tu attends, ton ventre grossi, tu as besoin d’être présente à cette grossesse et à cet enfant à venir.

 

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Globalement depuis que j’ai repris le travail, je suis contente. Je pensais que ce serait plus difficile que ça dans le sens où j’arrive bien à gérer ce rythme. C’est clairement un nouveau rythme parce que maintenant je pars du boulot à 18h30, ce qui ne m’arrivait pas avant. Je pars dans les premiers et parfois c’est un peu bizarre et culpabilisant. Mais j’ai l’impression d’avoir le temps de faire ce qu’il faut. Et MÊME va plutôt bien en ce moment donc en soi on n’a pas un stress énorme. Je ne sais pas comment ça se serait passé si on avait dû gérer une grosse levée de fond ou une boîte qui va mal à ce moment-là. On est plutôt dans une période où les indicateurs sont au vert. Je n’ai pas de vrai souci quand je rentre le soir, c’est plus facile de couper.

Après je trouve ce tiraillement difficile. Je comprends que des femmes ne puissent pas travailler. Moi je n’aurais pas pu être mère au foyer, à la fin de mon congé maternité je n’attendais qu’une chose, c’était de retourner au boulot, et en même temps je n’avais pas envie de quitter mon bébé. C’était très ambivalent comme sentiment. Mais je comprends qu’on puisse ne jamais retourner bosser, je comprends que pour certaines femmes ce soit impossible parce que je trouve le tiraillement vraiment compliqué. Je pars du boulot, il est vraiment trop tôt, je rentre à la maison, il est vraiment trop tard. J’ai 45 minutes pour profiter de ma fille. Je lui donne un bain, un biberon, j’ai très peu de temps avec elle et ça c’est dur.

Tous les matins, alors même que j’ai une super nounou et que je l’adore, je préfère que ce soit mon mari qui l’emmène. Car c’est un déchirement de la déposer : « Allez, je te pose, salut. ».

Je sais que j’en ai besoin, et que c’est comme ça que je trouve mon équilibre, mais ce moment est hyper culpabilisant. Je ne le vis pas comme une culpabilisation du fait de la société, c’est vraiment moi, en mon fort intérieur de maman. Je ne pense pas que Thibaud le vive comme ça. C’est vraiment viscéral.

"On est toutes différentes face à ça. On a toute notre histoire, toute notre rapport à notre corps, notre rapport à la maternité."

 

Le self-care 

Au niveau de mes routines beauté et du point de vue du soin de la peau, je suis persuadée que c’est vraiment important d’en prendre soin pendant la grossesse et le post-partum. A la fois par rapport à ce qu’on se met sur la peau, car je ne peux pas croire qu’il y ait autant de restriction sur ce qu’on a le droit de manger sans que ce soit le cas pour nos cosmétiques ! Tout ce qu’on met sur la peau et qu’on utilise a forcément un impact sur le bébé. Je suis persuadée, sans en faire une source d’angoisse non plus, qu’il faut maximiser les chances que tout aille bien.

Et à la fois pour soi.

J’ai eu la chance de ne pas avoir de vergetures et j’en suis vraiment contente. Je suis contente que la grossesse n’ait pas laissé trop de traces, même si je ne retrouverai jamais mon corps d’avant. Des traces, j’en ai eu d’autres avec l’accouchement. Mais ce n’est pas si facile que ça de passer de femme à maman pour ton corps, dans la vision que tu as de toi. Tu passes un peu de l’autre côté, et il faut faire le deuil. Et je trouve que plus ton corps a été cool dans cette transition, plus c’est facile d’accepter le corps d’après. Je suis certaine que le fait d’anticiper les vergetures, c’est utile et que ça peut aider.

Plusieurs semaines après l’accouchement vient le moment où il est un peu temps de se dire bonjour à soi-même, de reconnecter un peu. Et ce n’est pas si évident car on a changé, que le corps n’est plus pareil, qu’on n’est pas foutu comme on aurait envie de l’être mais je trouve que c’est plus facile de l’accepter quand tu as accompagné ça pendant toute ta grossesse. En tout cas, j’y ai vraiment beaucoup pensé.

Là je pèse 3 kilos de plus qu’avant d’avoir mon bébé, et j’ai déjà pesé 3 kilos de « trop » avant et je me sentais super mal. Mais aujourd’hui, je les assume, je ne me sens pas pareil. Et même s’ils restent ce n’est pas grave, c’est mon nouveau moi, c’est mon nouveau corps. Si je n’avais pas eu tout ce cheminement pendant la grossesse, si je n’avais pas fait ce travail d’accompagnement, je l’aurais beaucoup moins bien vécu.

Aujourd’hui ce n’est vraiment plus un truc qui me met mal à l’aise, et au contraire, il y a des petites victoires. Parfois en me regardant je me dis que je n’ai plus l’air enceinte et que c’est cool !

Pour les autres conseils, je ne sais pas si j’en ai vraiment parce que je trouve que c’est tellement personnel malgré tout, même si on vit toutes plein de choses qui se ressemblent beaucoup. Je n’ai pas trop aimé être enceinte, mais ça ne m’empêche pas de comprendre celles qui l’ont aimé. Ça ne m’a pas plu personnellement pour des raisons qui sont liées à moi, à mon caractère, à mon corps, à la manière dont je l’ai vécu.

Mais on est toutes différentes face à ça. On a toute notre histoire, toute notre rapport à notre corps, notre rapport à la maternité. Je ne sais pas si j’ai d’autre conseil à part celui de se faire confiance et de s’écouter ! »