Le désir d'enfant par Charline

Je m’appelle Charline, j’ai 39 ans, je suis la maman d’un petit garçon qui s’appelle Ysma qui a eu 1 an cet été. J’ai beaucoup attendu cet enfant, il m’a fallu deux ans pour qu’on se lance, deux ans pour que je tombe enceinte soit plus de 4 ans jusqu’à son arrivée. Je m’explique.

Le désir d’enfant

Ce désir d’enfant m’est venu vers 34 ans, je n’en avais pas du tout envie avant cet âge, mais la maternité m’était toujours apparu comme une évidence. Mon compagnon quant à lui n’en voulait pas… du tout. Il me l’avait exprimé dès notre rencontre il y a 10 ans. Il est photographe. Ses projets se font principalement à l’étranger, au Moyen-Orient et en Iran où il suit et documente les derniers peuples nomades. Il estimait à l’époque que son mode de vie n’était pas compatible avec la paternité. On est pourtant tombé amoureux, très fort. Alors il y a un peu plus de 5 ans, j’ai exprimé un soupçon de ce désir qui sommeillait en moi et commençait à germer. Ce n’était pas pour tout de suite mais c’était avec lui que je voulais vivre cette expérience de la famille.

J’ai posé ça là dans l’espoir de semer une graine dans sa tête pour qu’il y réfléchisse. Puisque son choix de ne jamais avoir d’enfant dans sa vie et le mien d’en avoir se heurtaient, il paraissait inévitable que nos chemins se sépareraient. Ne voulant pas m’asseoir à côté de ma maternité, ne voulant pas me réveiller à 40 ans sans avoir d’enfant, il n’était pas question de me « sacrifier ». Quand je dis 40 ans, bien sûr je grossis le trait car je me rends compte aujourd’hui que c’est tout à fait possible d’avoir un enfant à cet âge et même après. Mais j’avais 34 ans et ces 40 ans là me paraissaient si loin, il m’était impensable que rien ne se passe durant les 6 prochaines années. Hors de question de me retrouver face à un mur, face au mur de mon corps. Alors on a parlé, beaucoup parlé. Elles furent nombreuses les discussions souvent accompagnées de chagrins. J’ai mis presque deux ans à le raisonner et c’est un « ultimatum » qui a tout changé. Il a eu 1 an pour se décider, l’année est passée très vite. Quand la date butoir est arrivée à échéance, nous n’avions toujours pas de réponse, ni lui, ni moi. Moi j’étais toujours là à compter, les mois, mon âge, le temps qui passe. J’avais 35 ans, je voulais un enfant à 36 ans. Ne me demande pas pourquoi les chiffres ont un tel impact sur ma projection, je ne sais pas m’expliquer cette obstination. Forcément notre histoire n’allait pas bien, ça nous rendait triste, je ne me ressemblais plus. Le pessimisme avait pris le dessus sur l’amour.

Alors qu’on s’apprêtait à se séparer, il y a eu Noël. Nous sommes allés chacun dans nos familles à différents endroits de la France avant de nous retrouver au Mans, je ne sais plus exactement pour quelle raison. C’était probablement à mi-chemin avant le retour à Paris. Arrivés à l’hôtel, sans que je ne l’envisage il m’a dit « on y va ».  Alors on s’est lancé ! Impensable revirement de situation.

On a essayé pendant un an naturellement, on a fait l’amour, souvent, spontanément, légèrement. On ne s’est jamais autant aimé que pendant cette période-là. Puis au bout d’un an, rien, ça ne venait pas. J’avais demandé initialement à ma gynéco, que j’allais voir assez régulièrement chaque trimestre, de me faire passer des tests. Ce à quoi elle répondait qu’elle ne me les prescrirait qu’après 12 mois d’essais. J’avais quand même fait constater ma réserve ovarienne qui pour une fille de mon âge était en nombre suffisant, lui rappelant mes 36 printemps.

La dernière fois que j’y suis allé elle m’a redemandé mon âge : « 37 ans dans 3 mois ». D’un seul coup c’est devenu urgent, il n’y avait plus de temps à perdre d’après elle, nous en avions trop perdu. Elle m’a dirigée vers un protocole de fécondation in vitro.

Elle qui me suivait depuis 13 années, qui avait ma confiance, qui était censé m’accompagner, est devenu à mes yeux une parfaite inconnue que je ne reverrai surement jamais.

 

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Le protocole de FIV

Elle m’oriente donc vers Tenon. Tenon ? Je sors de cette dernière consultation super en colère et quelque peu ignorante mais j’ai la chance de savoir vers qui me tourner. J’appelle une copine qui est médecin au service IVG de Cochin-Port Royal-antipodes de la PMA-mais médecin alors quelle importance ? Elle me propose surtout de me diriger vers Cochin pour la FIV, cet hôpital public est très bien noté. Suite à cette conversation elle m’a prise sous son aile. Le lendemain de cet appel, elle me confirme que j’ai un rendez-vous en avril. On était fin janvier, je devais attendre encore deux mois. Déçue je suis. Elle m’explique que c’est hyper rapide pour un rendez-vous comme le mien. Mais pour moi deux mois c’est long ! Encore un nombre qui me travaille, un nouvel obstacle dans mon esprit obtus.

Ma copine m’ayant prescrit toutes les ordonnances, me voilà pendant près de 2 mois à écumer les labos et autres centres de radiographie de la femme du tout Paris. Elle avait raison, ça passe vite 2 mois quand on est affairé. Grâce à cette batterie d’examen, on m’a découvert au hasard d’un IRM un polype à l’utérus. Une petite montée d’adrénaline avant de comprendre qu’un polype ce n’est rien, juste un grain de beauté dixit le docteur. Je ne vois pas à quoi il sert à part m’empêcher d’avoir un bébé, rien d’autre que de me faire ch... D’un seul coup je comprends enfin que ce n’est pas de MA faute, j’ai cette excroissance de chair, en forme de croissant, qui, nichée dans mon utérus, empêche la nidification d’un éventuel embryon. J’aurais pu essayer de faire un enfant pendant des années, sans y arriver car sans le savoir.

On m’a fait faire une hystérosalpingographie. On t’injecte un liquide dans les trompes pour voir si elles ne sont pas bouchées. On ne réagit pas toutes de la même façon mais ça peut être très douloureux. Par exemple, j’ai une amie qui est tombée dans les pommes, de surprise et à cause de la sensation. Mes copines et moi, on a fait des enfants très tard, on est donc toutes passées par ce test pour avoir un diagnostic. Pas forcément en préparation d’une FIV. On peut avoir une très bonne réserve ovarienne, avoir les trompes bouchées et que rien ne passe.

Je suis tombée sur un super docteur dans un centre de radiologie. J’ai divulgué son nom à toutes mes autres copines après, surtout qu’il m’avait été lui-même recommandé. Le bouche-à-oreille, la clé de la sororité. Une femme d’un certain âge est passé avec un autre médecin juste après moi, et je l’entendais dans la salle d’attente. Je le trouvais super invasif. Il décrivait à voix haute la largeur de son col de l’utérus, comme si son vagin était un objet.

Ce médecin connaissait le médecin avec qui j’avais rendez-vous à Cochin. Il l’a appelé devant moi pour lui expliquer la situation : « Je t’envoie une patiente qui s’appelle Charline, sympa comme tout, son mec n’est jamais là parce qu’il est photographe donc autant te dire que le temps est compté. Tu peux lui éviter deux-trois trucs, moi je te donne mon diagnostic. » En gros, on attaque.

J’ai alors eu une hystéroscopie, passage d’une caméra dans l’utérus, après le col. C’est plutôt anodin comme examen, pas très agréable pour autant, on ne réagit pas toutes pareil encore une fois et là c’est moi qui ai fait un malaise.

Après l’IRM, l’hystérosalpingographie et l’hystéroscopie, tous concordaient pour me l’ôter. Hasard du calendrier, lendemain d’anniversaire et veille de mon 1er rdv FIV, on m’a opérée.

Nous sommes donc arrivés au premier rendez-vous, le dossier complet en mains, l’esprit léger et le corps vide d’anomalie.

La médecin qui nous a reçu pour la FIV m’a demandé ce que nous souhaitions faire, puisque le polype avait été retiré, nous pouvions très bien avoir un bébé naturellement. Mon mec m’a regardé, et m’a dit : « Ça fait plus de deux ans que tu attends, donc c’est à toi de décider ». J’ai choisi de nous lancer dans ce protocole qui allait donner un coup d’accélérateur à notre projet. Et puis rien ne nous empêchait de faire l’amour.

Ce rendez-vous a eu lieu en avril, ma première ponction était pour juillet. Je l’ai très bien vécu, alors que pour d’autres copines qui savaient qu’elles avaient un problème à régler, c’était une grosse remise en question. Pour moi c’était juste un booster de procréation.

En juillet on fait une première implantation qui n’a pas pris. On avait une chance sur deux, no drama. Il restait un seul embryon congelé qu’on m’a implanté en octobre. C’est mon fils qui est là aujourd’hui. Finalement ce fut très rapide pour nous. Notre FIV a duré 6 mois, parce que je n’avais pas de problème, parce qu’il n’avait pas de problème.

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La grossesse

Je me suis levée un matin pour aller faire une prise de sang, celle qui t’avertit du bon accrochage de l’embryon implanté dans ton endomètre. Je me souviens, c’était un samedi. Je suis remontée comme si de rien n’était puis on a filé à la MEP. C’est là-bas que le laborantin m’a appelé, m’a parlé de mon taux (bien entendu je n’ai rien compris) et m’a dit : « Ça commence doucement, mais ça commence ».  J’ai eu un immense sourire, ai murmuré à mon mec « C’est parti ! ». On était super ému au milieu d’une expo, aucune neutralité, mais finalement le meilleur endroit pour apprendre la nouvelle.  On est rentré chez ma mère, chez qui nous vivions le temps des travaux, comme des gosses de 15 ans, un secret dans la poche. Comme tout le monde savait que mon mec ne voulait pas d’enfant, il y avait bien longtemps qu’on ne nous questionnait plus sur le sujet et c’était tant mieux, la surprise n’allait en être que plus grande.

On ne voulait rien dire à personne avant la fin du 1er trimestre. Les examens se sont multipliés. On a fait une échographie très rapidement. C’était le 1er décembre. On a vu et entendu son petit cœur battre. Océan de larmes, tsunami d’émotions, galaxie du bonheur.

J’ai eu une grossesse extraordinaire, j’aurais voulu que ça dure beaucoup plus longtemps, être une éléphante. J’ai d’ailleurs accouché à J+2. On a dû me déclencher tellement je ne voulais pas quitter cette étape. J’ai vécu ma meilleure vie. Moi qui avant cette grossesse, m’étais toujours considérée comme une fille ou une meuf, je me sentais femme pour la 1ere fois. Je me sentais belle, je me sentais désirable, je me plaisais. Puis il y a eu la pandémie et le confinement. Je me suis alors plu à moi-même dans mes quatre murs : yoga quotidien, cuisine à tout va, repos, déconnection de ma vie sociale, une vraie bulle pour s’autocentrer. Je n’y ai vu que du positif jusqu’à ce mois d’avril 2020.

Je suis dans mon sixième mois de grossesse, cela fait un mois que le Covid a mis à l’arrêt le monde entier, nous sommes tous les 2 tombés malade, nous avons attrapé ce virus. C’est surtout pour mon compagnon que ça a été difficile. Trois semaines alité, une enclume comme posée sur lui, pas de goût, pas d’odorat, de la fièvre, beaucoup d’inquiétudes. Quant à moi, quintes de toux sur quintes de toux. A ce moment-là il n’y avait pas de test pour la population, seulement de la suspicion. J’avais prévenu ma sage-femme, la maternité et ma copine qui travaille à Cochin de mes symptômes. Tous m’avaient dit que tant que je n’avais pas atteint une certaine température il ne fallait pas que je m’inquiète. Mais finalement ma copine m’a rappelée le lendemain me demandant de venir à Cochin faire un monitoring de mon bébé, en urgence aux urgences.

Je m’y suis rendue avec une culotte dans le sac au cas où on me garde la nuit. Mon mec était dans le lit, complètement HS, quand je l’ai prévenu que je devais aller aux urgences, surtout que je devais y aller SEULE.

A ce stade de la pandémie, tout le monde était très précautionneux, les personnes qui m’ont accueillie ont mis 15 minutes à se vêtir et à enfiler leur armure protectrice. Elles m’ont gardée seulement deux heures après une grosse batterie d’examens. Mon bébé allait bien. Moi un peu moins mais je n’en saurai plus que le lendemain. Je suis alors rentrée chez moi à pied. Cela faisait 1 mois que je n’avais pas marché, j’ai mis 3 heures à traverser Paris, seule dans cette ville fantôme. On m’a contactée le jour d’après pour me confirmer que j’étais positive. Bizarrement ça m’a beaucoup émue alors je ne cessais de répéter que ça tout se passerait bien. A partir de ce jour-là, Cochin m’a appelée tous les jours pour noter, pendant 10 jours. C’était surtout pour savoir comment on vivait la chose, parce qu’on était ultra confiné à l’époque. C’était pour qu’on ne perde pas pied. Un suivi psychologique. Pour le reste, on ne savait rien. On ne savait pas quoi conseiller aux malades niveau traitement. Et moi j’étais enceinte donc je ne pouvais rien prendre, le doliprane ne faisait rien. Le côté « fébrile » a duré pile dix jours, mais la toux est restée trois mois. Des quintes assez intenses qui m’empêchaient de terminer mes phrases. A force, je ne m’en rendais même plus compte. Mon mec m’a dit que j’ai arrêté de tousser le jour où j’ai accouché, donc en juillet.

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L’accouchement

Les jours ont passé dans une quiétude incroyable. Au point d’arriver le jour J sans aucun signe annonciateur si ce n’est le chiffre sur un calendrier. J’aurai pu rester encore ainsi des semaines voir des mois. Mais ça c’était dans mes rêves car le jour J nous avions rdv à Cochin pour le monitoring de contrôle. Mes copines me disent de prendre ma valise avec moi au cas où. Mais je ne me sens pas du tout prête pour accoucher ce jour-là ni le suivant car c’est un jour impair et je ne veux pas accoucher un jour impair. Moi et les nombres, encore.

J’ai quand même pris le sac pour la salle de naissance au cas où, j’ai mis une culotte (toujours prendre une culotte de rab !) et ma brosse à dents au dernier moment. Le test se passe bien, le médecin confirme que je vais bien et que le bébé aussi. Par contre je n’ai plus assez de liquide amiotique, je dois donc rester. A partir de ce moment, je suis hospitalisée, le bracelet qu’on m’accroche au poignet pour en témoigner.

On m’annonce un déclenchement le lendemain 8h sauf que dans ma tête « Y’a pas moyen, je n’accouche pas un 19 ». J’étais intimement persuadée que mon accouchement allait se passer comme ceux de ma mère, pour ma sœur et moi, en trois heures top chrono, comme une lettre à la poste. Je voulais croire à ce que l’on nomme la transmission générationnelle sauf que ça ne s’est pas du tout passé comme ça.

Déjà on ne m’a pas déclenché à 8h mais à 13h. J’ai attendu pendant cinq heures la pause de ce fameux tampon comme pour donner le go du départ. J’aurai aimé être surprise par son arrivée et non enclencher un contre la montre. Il a fallu attendre, encore. Pendant toute cette attente, mon compagnon à mes côtés, on s’est baladé dans le parc, on a dansé, on faisait des squattes, on a écrit des comptines pour le bébé, on lui disait « Ok, tu peux venir la (Jeep) Cherokee est garé dans la rue voisine ». La Cherokee ? Anecdote de futur parent. Mon mec avait en tête d’acheter une voiture bien particulière juste avant la naissance de notre fils. On avait un van jusqu’alors, pas de sièges suffisants pour le bébé. Il voulait acheter une Jeep Cherokee, qu’il a réussi à trouver trois ou quatre jours avant. Donc durant cette attente voilà ce qu’on racontait au bébé : la Jeep était là, il pouvait venir. Quant à moi j’avais commandé un couffin en Australie qui était toujours bloqué aux douanes, Covid oblige. No drama, une de mes amies nous en avait prêté un, il pouvait donc venir quand même on avait dorénavant de quoi le transporter et de quoi le loger.

Malgré un déclenchement à 13h, à 20h toujours rien. Pourtant il semblait que je contractais d’après l’infirmière avec qui je papotais sur le perron de ma chambre, j’avais mal aux reins, fait surprenant car je ne m’en rendais pas compte.  Seule et sans péri (je croyais encore à mon projet d’accouchement physio, de salle nature, de bain, de harnais, de 4 pattes etc…), le travail a bien commencé aux alentours de 20h30. J’ai passé la soirée sous une douche super chaude suivant les bons conseils de l’infirmière de garde qui venait me masser régulièrement le bas du dos. J’y retournais dès que je pouvais, entre 2 whatsapp avec mes copines. Vers 00h tout s’est accéléré. Ces contractions épisodiques ont démultiplié leurs fréquences au point d’en avoir toutes les minutes. J’ai alors été placée sous monitoring, allongée. Plus aucune maitrise ni de mes mouvements ni de ma respiration. Je ne cessais de me répéter qu’il arrivait et je n’étais pas prête. A 2h00 j’ai craqué en appelant mon mec comme si de rien n’était pour qu’il arrive vite mais serein. A 3h du matin il a débarqué, depuis le couloir il m’entendait hurler, il était loin d’imaginer ce que je vivais.

J’avais fait une réaction allergique au Propess. Il fallait me l’ôter, mission impossible pour quiconque tentait de m’examiner, en vain. Mon ressentit était à mi-chemin entre des coups de couteau dans le vagin et une sensation de cisaillement. J’ai interdit à la sage-femme de me toucher ! J’ai fini par quémander la péridurale. Transfert en urgence aux salles de naissance à 3h30, moi dans un fauteuil roulant, hurlant à en réveiller des morts entre ma 1ère chambre et cette pièce que je n’allais plus quitter durant les prochaines 24h. On m’a posé cette sacrosainte péridurale autour de 4h du matin et le silence fût. Quelle invention magnifique ! Je n’ai plus rien senti. La sage-femme de salle de naissance a pu m’examiner, rentrant en moi comme dans du beurre (désolé pour l’image) pour enfin m’annoncer que j’étais ouverte à … 0. J’avais l’impression qu’on me faisait une blague. Mais bon au moins je savais ce que c’était de contracter, j’ai ressenti, j’ai compris. Mon accouchement allait commencer maintenant.

Au bout de 12 heures, je n’ai plus ressenti aucun effet anesthésiant ! Il nous a fallu 45min à tous, les membres de l’équipe médicale et moi-même pour comprendre que j’avais malencontreusement débranché le câble en me retournant. On a pu me la remettre. Cette période de stress a généré des problèmes d’oxygénation du cerveau de mon bébé. Nous avons été surveillés toutes les heures durant 3 heures, tests PH inclus. On m’a parlé césarienne au 1er, j’ai refusé. On est revenu m’en reparler au 2eme, j’ai accepté. Sauf que c’était sans compter une ultime opportunité de donner vie à mon tout petit par voie basse. Alors au 3eme, vers 20h, quand tout le service a débarqué en urgence dans ma chambre, d’une sage-femme et une externe à mes côtés, nous sommes passé à onze personnes dans la pièce, j’ai paniqué. Il fallait que j’accouche en moins de 30 minutes car mon bébé était coincé dans mon bassin depuis trop longtemps. Il n’y avait plus de césarienne possible. Pour m’aider, on est venu avec des forceps. J’ai vu, j’ai appréhendé, j’ai flippé, j’ai entendu, j’ai ressenti ma chair et mes entrailles se déchirer. Cela faisait 30 heures, entre la douleur, la faim et l’épuisement, plus aucune force ni volonté pour m’apprêter à vivre le plus gros effort qu’une femme puisse faire. C’est passé d’un seul coup de l’action d’accoucher à celle de mourir … Trou noir… Mon cerveau et mes souvenirs se sont mis en mode Pause. Le court du film a repris quand l’ordre m’a été donné de pousser. Exercice que je n’avais absolument pas appris durant les 4 pauvres cours de préparation auxquels j’avais assisté. Je m’en suis voulu d’être aussi mal préparée. Je respirai, j’hurlais, je suppliais et forcément je poussais.

J’ai de nouveau perdu pied quand non pas la sage-femme ni l’interne de garde mais le médecin chef de Cochin arrivé en urgence pour m’accoucher est ressorti de la salle en hurlant dans le couloir après des anesthésistes absents. Il ne comprenait pas pourquoi les mecs n’étaient pas là. Et moi je ne comprenais pas pourquoi ce médecin paniquait? … Trou noir…  Je n’ai alors plus rien entendu ni même compris.

Mon fils est né le 20, à 20h38, sans que je ne sache comment. L’accouchement aura duré 30 heures, la délivrance 30 minutes.

Mon tout petit est né en buvant la tasse dans le liquide amiotique. Quand ils ont posé ce petit bout de chair tout violet surmoi, j’ai réalisé qu’il ne respirait pas, on m’a pris mon bébé pour s’en occuper. L’anesthésie a refait effet à cet instant et en un claquement de doigts j’ai oublié tout ce qu’il venait de se passer y compris que je venais d’avoir un enfant, mon enfant. Au bout d’une demi-heure, on est venu chercher mon compagnon resté à mes côtés dans l’effroi le plus total, apeuré à l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Pourtant notre enfant allait bien, il était très mignon et avait reconnu son papa au premier effleurement de peau. Après presque deux heures, ce fût mon tour, à moi la mère on m’a enfin amené mon petit et c’est moi qui n’allais plus bien. J’ai ressenti un poids énorme sur mes épaules, celui de la responsabilité qui me tombait dessus. J’ai immédiatement demandé qu’on me le reprenne. J’en ai vomi. Je ne me sentais plus prête pour endosser ce rôle que j’avais tant attendu. Mais il était là, il avait besoin de moi. Ça m’a déstabilisée, je ne m’attendais pas du tout à ça.

J’ai longtemps pensé qu’en mourant je ne donnerais pas vie à mon enfant pire que j’allais le tuer et laisser mon mec dans un double deuil. J’avais minimisé l’accouchement. Les femmes donnent naissance depuis des millénaires (sans péri de surcroît), toutes y arrivent alors pourquoi pas moi ?Mon compagnon a lui aussi très mal vécu cette expérience ; on en reparle encore aujourd’hui. Il a cru qu’il nous perdait tous les deux. Il a aussi pensé même s’il ne me perdait pas physiquement, si cet enfant ne survivait pas, que ça allait me tuer, dans ma tête et dans mon cœur.

Tous les gens présents dans la pièce lors de mon accouchement sont venus me visiter le lendemain et tous les jours qui ont suivi. Les 3 sages-femmes qui s’étaient relayées en salle de naissance pour rencontrer mon fils. Les 2 sages-femmes qui m’avaient accueilli en salle de pré-travail également. L’interne de garde pour s’excuser d’un manque d’explications. L’externe dont c’était la toute première journée de stage en maternité pour pleurer avec moi à la sortie de sa garde le 21 au matin. Cette petite meuf de 23 ans m’a tellement émue et touchée (Claire-Aimée si tu lis ceci, cœur avec les doigts).Le médecin chef quant à lui pour m’exposer le déroulé de mon histoire mais surtout pour me proposer de rencontrer la psychologue de la maternité.

J’ai alors vu cette femme tous les jours. Après les torrents de larmes des 2 premiers matins, sont venu le temps de la prise de conscience et celui de la prise de confiance : « ici vous faites comme on vous dit de faire mais une fois chez vous, vous ferez comme vous voudrez mais surtout comme vous pourrez. Alors vous deviendrez ses meilleurs parents. »Quand bien même un enfant est désiré, l’expérience entière peut nous choquer. Je me suis sentie tellement nulle, je me disais que je n’allais être capable de rien. La première semaine je ne pouvais même pas lui donner le bain, elle a été très difficile pour moi. Je n’arrivais pas à l’allaiter alors que ça me tenait vraiment à cœur. Rien ne se déroulait comme je me l’étais imaginé. Surtout qu’inversement mon mec gérait tout hyper bien, ce même mec qui ne voulait pas d’enfant quelques mois auparavant, il me laissait sans voix. Alors je me répétais en boucle les mots de la psy pour me rassurer. Des mots qui résonnent toujours 16 mois après ce qui me fait dire aujourd’hui qu’il n’y aucune hésitation à consulter dès qu’on se sent affaibli par la parentalité.

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Le rôle de parents

Et puis après ce tsunami d’émotions, on apprend. On devient la meilleure maman qui soit, la meilleure maman qu’il aurait pu avoir, de toute façon il n’en aura pas d’autre. Et aujourd’hui je me sens au top. Quant à mon mec, il est un super papa depuis le jour 1. Dieu sait comme la paternité l’a déstabilisé, lui qui n’imaginait pas une seconde la place que prendrait ce rôle dans sa tête et dans son cœur. C’est un papa en or.

 

Les conseils

Ne jamais s’avouer vaincu(e) la patience est une vertu. Cela vaut de mon expérience globale aussi bien pour la procréation que pour la maternité et la découverte d’un autre soi. Il y a tellement de choses bénéfiques dans la médecine d’aujourd’hui, l’accompagnement médical auquel nous avons toutes et tous le droit dans ce pays est remarquable. Mais pas que ! Il y a également les médecines dites parallèles : l’acupuncture, que j’ai pratiqué avant, pendant et après, le kobido, les massages quels qu’ils soient, le tout est de se faire du bien pour aller bien.

J’aimerais aussi ajouter un petit quelque chose sur le retour à la maison. Lorsqu’on rentre la première semaine, avoir des visites tous les jours, ce n’est pas la meilleure chose à faire. On avait dit à tout le monde de nous laisser dans notre bulle pendant ces premiers jours le temps de trouver nos marques. Heureusement je les avais tous briefé avant la naissance, comme pour prévenir et éviter de froisser les uns les autres parce que selon les générations ma demande fût assez brutale voir incomprise. On a fait tellement peu attention aux mères d’avant que ces mêmes mères répètent leurs schémas post-partum sans prêter garde aux souhaits des mères de maintenant. J’avais anticipé le fait de ne vouloir recevoir personne, c’est d’ailleurs ce qu’il s’est produit. Cela m’a permis de choisir mes moments, entre l’excitation de présenter mon petit et la fatigue émotionnelle sans compter sur la logistique. Mon corps était encore en vrac, il nous fallait cuisiner pour les accueillir avec hospitalité, pire il faut même te laver !

Une amie de mon mec nous avait proposé de juste passer cuisiner pour nous à la maison et de repartir après. Je n’ai pas accepté et l’ai regretté. C’est pourtant de mon point de vue le meilleur truc à offrir, je tente de faire la même chose pour mes amies depuis.

 

<3

Merci Kenza de m’avoir un jour alpaguée sur Instagram à la suite d’une publication de Johanna Tordjman en plein confinement 2020, d’avoir voulu me rencontrer moi la fille lambda sur les réseaux et de m’avoir fait raconter mon histoire pour toutes les mères.

« Speaking to all the mamas instead to a psychiatrist ! »